À un peu plus de deux semaines des Finales de Coupe du monde qui se dérouleront à Saalbach, en Autriche, Xavier Fournier-Bidoz, Responsable du Groupe vitesse Coupe du monde, dresse un premier bilan de la saison, évoque les performances des tricolores, et revient sur les moments forts et ceux plus difficiles de l’hiver.
Il partage également le programme de la préparation des six skieurs qualifiés pour les courses de vitesse des Finales, ainsi que son rêve pour la descente tant attendue à Saalbach le 24 mars.
Quel bilan tires-tu du déroulement de cette saison jusqu’à aujourd’hui ?
Le bilan est très bon, surtout en descente. On a remporté de très beaux succès avec Cyprien Sarrazin (Victoires à Bormio, Wengen et Kitzbühel) et avec Nils Allègre (Victoire à Garmisch).
Ces victoires, qui nous avait échappé depuis longtemps, sont le résultat du travail d’équipe de tout le Groupe vitesse.
J’ai bien aimé les performances des jeunes que nous avons intégré dans le groupe vitesse Coupe du monde, notamment Nils Alphand qui a franchi un cap en faisant désormais parti des 30 meilleurs mondiaux en descente (29e).
En Super-G, on est passé un peu à côté cette saison en dehors bien entendu des victoires de Cyprien à Wengen et Nils à Garmisch. On sera encore meilleur la saison prochaine !
Globalement, nos résultats sont très encourageants et cette saison a été jusqu’à aujourd’hui riche et forte en émotions.
A quoi attribue-tu l’excellent parcours de l’équipe de France en vitesse cette saison ?
C’est vrai qu’il y a un longtemps qu’on n’avait pas obtenu ce niveau de résultats en vitesse.
Si on revient un peu en arrière, on a eu une préparation compliquée au Chili à cause d’une météo qui ne nous a pas été favorable. Le Groupe manquait de kilomètres sur les skis. Ce que j’ai retenu ensuite, c’est que chaque fois qu’on a skié, j’ai ressenti de la part de nos athlètes beaucoup plus d’engagement et d’implication sur les manches. Cela a sans doute influé sur nos performances cet hiver…
Dès le stage de Copper Mountain en début de saison, on a compris que Cyprien skiait très vite. Si les courses de Beaver Creek avaient eu lieu, il aurait été parmi les meilleurs ! Lancé dans cette bonne dynamique, Cyprien a ensuite bien enchainé les courses suivantes jusqu’à son incroyable victoire sur la Stelvio à Bormio.
On aurait pu alors s’éparpiller mais Cyprien et le Groupe ont su rester calme, concentré et performant sur les courses de janvier. Après Wengen où on a réussi de gros résultats, on a enchainé à Kitzbühel avec le doublé historique de Cyprien ! C’est dommage qu’ensuite Chamonix n’ait pas eu lieu mais c’est la loi de notre sport qui se déroule en extérieur…
Quels ont été tes meilleurs moments depuis le début de l’hiver ?
Il y en a eu trois. D’abord, les deux victoires de Cyprien sur la Streif à Kitzbühel. C’était énorme de vivre des moments exceptionnels comme ceux-là. La façon avec laquelle Cyprien a gagné la deuxième descente était impressionnante. J’étais dans l’Ausberg ce jour-là et avec l’avance qu’il avait en arrivant dans la traverse, c’est sûr qu’il allait gagner !
J’ai été aussi extrêmement satisfait des brillantes performances de Maxence Muzaton (5e) et Blaise Giezendanner (7e) lors de la deuxième descente à Kitzbühel.
Ensuite, la performance de notre Groupe à Wengen a été aussi une source de satisfaction car on a toujours eu du mal à performer sur le Lauberhorn. Mais nos sentiments ce jour-là étaient entre deux eaux : entre la joie de voir Cyprien gagner de belle manière le Super-G et une grande tristesse en raison de la lourde chute et de la grave blessure d’Alexis qui a du ensuite mettre un terme à sa saison.
Et enfin, la victoire de Nils Allègre au Super-G de Garmisch. Il y a eu pas mal d’émotions car il s’agissait de son premier succès en Coupe du monde après plus de 100 départs !
Et les moments les plus difficiles ?
Il y en a eu deux. Comme je le disait à l’instant, il y a eu la blessure d’Alexis à Wengen alors que la veille il venait de passer un cap en vitesse en se classant 9e sur la descente après une superbe course !
Et le week-end de Kvitfjell où, tour à tour, Maxence Muzaton, Cyprien Sarrazin et Nils Allègre sont tombés et se sont blessés ! Cela n’a pas été de superbes moments à vivre. La chute de Nils a été très violente…
L’hiver a été marqué par un nombre significatif de chutes et de blessures. Quel est ton regard sur cette hécatombe ?
Les chutes sont monnaie courante dans notre sport. Mais cette année, elles ont touché les meilleurs skieurs du monde (Marco Schwarz, Aleksander Aamodt Kilde, Alexis Pinturault…) d’où une plus grande visibilité médiatique.
Si on analyse leurs chutes, on peut voir que Marco Schwarz à Bormio fait une petite faute dans une courbe où on arrive très fort avec une grosse pression. C’est là où Hannes Reichelt et Adrien Fresquet se sont également blessés dans le passé.
A Wengen, Kilde était malade et a sans doute atteint la limite de ce qu’il pouvait faire ce jour-là. En voulant remettre un appui arrière, il part à la faute dans ce dernier virage avant sa terrible chute…
Pour Alexis, il fait une petite faute de ligne en étant un peu trop en appui sur cette bosse qui était en courbe et qui « volait ». Et après, la chute était inévitable…
Cela dit, à Wengen, l’enchainement de deux entraînements et trois courses en 5 jours, c’était beaucoup trop dur physiquement ! Lors de la grande descente de samedi, Cyprien m’a confié qu’après le mur des Autrichiens, il était « cuit » ! Il a ensuite skié propre et n’a, à aucun moment, poussé les courbes pour aller plus vite.
Si à un moment, il y a un peu plus de fatigue, les athlètes deviennent plus vulnérables. Ils ont besoin de temps de récupération au cours de la saison.
Enfin, depuis deux ans, on a franchi un cap en vitesse au niveau de l’engagement. Le fait qu’Odermatt et Sarrazin soient devant, cela pousse aussi les autres compétiteurs à s’engager encore plus et augmente le risque de chutes.
Il y a six skieurs tricolores qualifiés en descente et deux en Super-G pour les Finales. Est-ce que l’équipe de France avait déjà connu un tel résultat dans le passé ?
Depuis que je fais partie du Groupe (17 ans), on n’avait jamais eu 6 qualifiés en descente pour les Finales. Le meilleur résultat que j’ai connu c’est d’avoir 4 qualifiés en descente.
J’ai le souvenir également que lors de la saison 2015/2016 on avait remporté le classement par équipes en descente. J’ai noté avec satisfaction les progrès de Blaise Giezendanner qui s’est qualifié pour la première fois pour disputer la descente des Finales.
Pour le Super-G, il n’y en a eu que 6 depuis le début de l’hiver. On a que deux qualifiés (Cyprien et Nils) pour les Finales. Si Alexis ne s’était pas blessé, on aurait eu sans nul doute 3 skieurs au départ.
Dès le premier Super-G à Val Gardena, Matthieu Bailet et Nils Allègre qui partaient devant n’avaient aucune chance car les dossards plus élevés étaient plus favorables. Par la suite, Blaise et Matthieu qui auraient dû se qualifier n’ont pas été performants et ils ont dû courir après les points jusqu’à Kvitfjell.
Dans cette discipline, on est passé un peu à côté cette saison en dehors des victoires de Cyprien à Wengen et Nils à Garmisch. On sera meilleur la saison prochaine !
Quelques mots sur les performances des jeunes ?
En descente, Nils Alphand a passé un cap depuis le début de la saison en étant 29e mondial. Les performances d’Adrien Fresquet, qui revient d’une blessure au genou, sont très encourageantes pour l’avenir. Même s’il ne s’est pas qualifié une seule fois en descente, Florien Loriot a fait d’énormes progrès en descente sur les parties faciles et cela payera les prochaines saisons.
En Super-G, je suis content des performances de nos jeunes même s’ils ne se sont pas qualifiés pour les Finales. Florian Loriot, Nils Alphand et Adrien Fresquet ont gagné des bons points FIS pour la saison prochaine. Florian en particulier est d’ailleurs l’actuel leader du classement Super-G en Coupe d’Europe et jouera dans les prochains jours en Norvège une place nominative en Coupe du monde pour la saison prochaine.
Comment s’organise la préparation des bleus pour les Finales de Saabach, avec une partie du groupe qui va bien et l’autre qui fréquente l’infirmerie ?
Cela n’est pas très simple car certains de nos skieurs sont encore en convalescence. Ceux qui sont valides se sont bien entendu entrainés depuis Kvitfjell. Les 25 et 26 février, Blaise Giezendanner, Matthieu Bailet et Nils Alphand étaient à Courchevel sur le stade de slalom pour skier des manches de géant. Blaise et Nils se sont ensuite entraînés une journée en Super-G au Grand Bornand le 29 février.
Depuis lundi, nous sommes à Zinal en Suisse pour un stage de 4 jours avec Blaise Giezendanner, Matthieu Bailet et Adrien Théaux. Les jeunes de leur côté ont rejoint Verbier pour participer aux courses de Coupe d’Europe.
A partir du 15 mars, le Groupe prendra la direction de l’Autriche pour s’entraîner 3 à 4 jours à proximité de Saalbach où se dérouleront les Finales.
Nils Allègre, Cyprien Sarrazin et Maxence Muzaton sont encore en soin et en préparation physique et n’ont pas encore repris le ski. Dès qu’ils auront le feu vert pour skier, ils rejoindront le Groupe pour d’abord faire du ski libre et ensuite se préparer pour le Super-G et la descente de Saalbach. Il n’y a pas encore de date définie pour leur retour sur la neige. Cela dépendra de l’évolution de leurs blessures…
Quel est ton rêve pour les Finales de Saalbach ?
C’est que Cyprien arrive à décrocher le globe de la descente. Ce ne sera pas simple car Odermatt est en pleine confiance.
Cyprien a 42 points de retard au classement de la descente et il n’aura pas de pression. Si Cyprien n’a plus de douleurs, s’il revient bien physiquement et s’il fait une belle course, tout est possible… D’autant qu’il y aura six tricolores au départ et chacun d’entre eux voudra être devant Odermatt ce jour-là. Mais il va falloir le faire ! Sur le papier, c’est encore mathématiquement possible. Il faut jouer jusqu’au bout.
