Bien que satisfait de ses quatre victoires, cinq podiums, et de son bon niveau de ski, Clément Noël n’a pas remporté cet hiver les titres majeurs qu’il visait. À travers cette interview, il nous explique son ressenti sur sa saison, avec de très belles satisfactions mais aussi de la frustration et des déceptions. Il explique également son choix de prendre en décembre dernier le départ du géant de Val d’Isère, nous parle de sa préparation mentale et revient sur les performances décevantes de l’équipe de France de ski alpin cet hiver.
Photo copyright Erich Spiess – Red Bull Content Pool
Quels sont les moments très positifs que tu retiens de ton hiver en Coupe du monde ?
Il y a beaucoup de choses positives à retenir de cette saison. Mon début de l’hiver a été un peu en fanfare, avec deux belles victoires lors des deux premières courses à Levi et Gurgl. C’était vraiment super de gagner avec la manière, en prenant la tête dès la première manche. Ça m’a vraiment donné une belle confiance pour la suite de la saison.
Le moment le plus marquant pour moi reste ma victoire à Kitzbühel. C’était la course que j’avais la plus coché sur mon calendrier, avec les Championnats du monde. En course en Coupe du monde, c’est Kitzbühel qui me faisait le plus envie et rêver, c’était la course la plus importante à mes yeux.

Mes quatre victoires ont été des moments très positifs. La fin de saison à Sun Valley a été un bon point, me permettant de finir sur une note positive.
Le positif, c’est aussi d’avoir réussi à maintenir un niveau de ski globalement bon tout au long de la saison. Ça n’a pas toujours payé comme je l’aurais voulu, mais ça fait partie du sport !
C’est la première fois de ta carrière où tu réussis à te classer dans le Top 10 du classement général…
Cela démontre vraiment que ma saison a été plutôt bonne et complète. Le niveau en slalom a été extrêmement élevé cette année, vraiment exceptionnel. C’est une grande satisfaction de voir que le nombre de points que j’ai accumulés est plus élevé que lors de n’importe quelle autre de mes saisons.
Même si j’ai des frustrations, comme ma quatrième place au classement du slalom, et l’absence de médaille aux Championnats du monde, il y a des éléments hyper positifs à retenir de cette saison.
Après les Finales de Sun Valley, tu as indiqué qu’il y avait aussi des frustrations. Lesquelles ?
Ma principale frustration est de finir quatrième au classement du slalom. Avec plus de 600 points, quatre victoires et cinq podiums, je m’attendais à un meilleur résultat. En toute logique, ça devait suffire pour viser plus haut. Mais il y a eu quelques moments dans la saison qui m’ont pénalisé et m’ont empêché d’aller au-delà de cette quatrième place.
Il y avait aussi trois autres slalomeurs qui ont réalisé de superbes performances, donc ce classement est plutôt logique au final. Mais il y a toujours cette frustration de se dire qu’il m’a manqué un petit quelque chose pour que la saison soit exceptionnelle.
Il y a également la déception des Mondiaux de Saalbach. C’était triste et ça m’a affecté, mais je n’ai pas de regrets. J’ai réalisé la course comme je l’avais planifiée, mais j’ai commis une erreur à un moment donné…
Gagner un titre mondial ou décrocher une médaille, ce n’est pas facile. Je n’ai pas réussi et cela m’a affecté !
Qu’est-ce qui t’a manqué pour conquérir le globe du slalom ?
Il y a deux éléments principaux. D’abord, la petite blessure à Val d’Isère qui m’a fait manquer une course. Quand on voit qu’il me manque si peu de points, une seule course aurait pu faire la différence. A Alta Badia, j’ai skié sur une jambe après ma blessure et j’ai quand même fini sixième avec une belle course. Avec ma dynamique de début de saison, j’aurais peut-être pu faire encore mieux si je n’avais pas eu cette blessure.
Puis, après les Mondiaux, à Kranjska Gora et Hafjell, j’étais un peu moins dedans. Même si je n’ai jamais manqué d’envie, le résultat des Mondiaux m’a un peu abattu. En plus, je me suis retrouvé sur de la neige qui me correspondait moins. Ces courses m’ont coûté pas mal de points. J’ai terminé dixième et septième, ce qui n’est pas suffisant pour viser le globe à la fin de la saison. Pour l’obtenir, il faut toujours être présent devant !
Comment résumer ta saison en quelques mots ?
C’est une saison belle et positive, avec du très bon ski, mais un peu incomplète et frustrante sur certains points. J’en ressors avec de grandes satisfactions, mais sans titre majeur ni globe. Il y avait des choses que j’aurais pu viser, avec mon niveau de ski !
Revenons sur ta blessure en géant à Val d’Isère. Beaucoup de personnes n’ont pas compris que tu prennes le départ de cette course qui était annoncée difficile la veille. Peux-tu nous expliquer ton choix ?
Avant le début de la saison, j’avais établi un plan. Je m’étais dit que, lorsque j’aurais 500 points en slalom, je prendrais des départs en géant.
La seule fois où j’ai gagné en slalom à Val d’Isère, c’était la seule fois où j’ai couru le géant la veille. Le géant me prépare souvent bien pour le slalom du lendemain. D’autant que, la semaine précédente, on avait fait des entraînements en géant et j’étais vraiment performant.
Donc, en prenant tout ça en compte, je me suis dit : « Je vais avoir un bon dossard, j’ai plutôt bien skié à l’entraînement, et le géant me fait du bien pour le slalom ». Il n’y avait donc pas de raison de ne pas prendre le départ. Après, c’était un géant difficile et je n’ai pas fait pas forcément le meilleur choix… Cette petite blessure m’a quand même ouvert les yeux. Dans l’avenir, je pense qu’il faut bien réfléchir sur quel géant je dois m’élancer. Il faut que cela soit pertinent, et cela devient pertinent pour moi quand je ressens de la lassitude à courir uniquement en slalom. J’ai besoin de faire plusieurs choses différentes car j’aime la diversité.
Il est important que mes choix en géant me préparent bien pour le slalom. Cela signifie ne pas être trop mauvais dans cette discipline, tout en me mettant dans de bonnes dispositions pour le slalom.
Quatre slalomeurs ont accumulé plus de 600 points cette saison, un fait inédit depuis 20 ans. Quelle est ton analyse de cette situation, et est-ce à dire qu’il y aura moins de skieurs capables de gagner en slalom (les cinq premiers du classement ont remporté dix slaloms cette saison) ?
Je pense qu’il y a toujours autant de skieurs capables de gagner en slalom. Cette année, il y en a eu quatre qui ont été au-dessus du lot. Mais il pourrait y en avoir plus en fonction des circonstances. Je pense qu’Atle Lie McGrath et Lucas Braathen ont le niveau pour aller chercher les 600 points.
Le niveau était très dense cet hiver. Des skieurs ont eu des pics de forme pendant la saison et ont été très performants. Tout se joue aussi sur des détails. Lucas Braathen aurait pu gagner un slalom, Steven (Amiez) aussi. Plusieurs autres slalomeurs auraient pu ajouter des victoires à leur palmarès.
Cette saison, pour diverses raisons, quatre ou cinq skieurs ont trusté les podiums, mais ce n’était pas parce que les autres étaient moins bons, simplement parce que le niveau était très haut.

Le projet de performance fédéral 2023-2026 de la FFS a identifié des points faibles ou des points de vigilance, dont la préparation mentale. Est-ce que tu t’es approprié ce sujet ?
La préparation mentale n’est pas prise en charge par la Fédération, et c’est à nous, athlètes, de la gérer. Pour ma part, je travaille depuis septembre 2024 avec une psychologue du sport. Cela me fait beaucoup de bien. Je ne suis pas tout le temps dans le bon état d’esprit pour gagner à chaque course, mais j’arrive à prendre du recul et à me rendre compte de mes erreurs.
En règle générale, j’arrive à me retrouver le plus souvent possible dans de bonnes dispositions pour performer. Cela s’est vu dès le début de saison où j’ai réussi à bien gérer mes premières courses.
Je vois vraiment les bénéfices de ce travail et je suis très content de travailler avec cette personne. On se fait des visios une fois toutes les deux semaines. C’est moi qui décide quand j’en ai besoin. On définit des thèmes pour chaque séance en ayant identifié les petits points de vigilance et on travaille là-dessus.
L’objectif est d’avoir l’état d’esprit nécessaire pour performer au meilleur moment. Chaque course est une occasion de m’améliorer, et je me prépare à performer à chaque fois, en m’adaptant aux situations vécues lors des courses précédentes.
Quel regard portes-tu sur les performances ski alpin de l’équipe de France cet hiver ?
Elles ont été décevantes pour plein de de raisons. En vitesse chez les hommes, il y a eu les blessures. Alexis (Pinturault) qui revenait de blessure faisait de bonnes choses, était dans une pente ascendante avant de se blesser à nouveau ! Cyprien (Sarrazin) n’a pas fait pas un début de saison exceptionnel mais on savait qu’il était capable de gagner des courses sur le mois de janvier. Blaise, après un bon début de saison, s’est également blessé. On n’a pas eu de chance avec toutes ces blessures, car sans elles, la saison aurait pu être bien plus belle. On ne doit pas s’attendre à ce que toutes les saisons soient comme l’hiver 2023/2024 qui a été exceptionnel, avec les victoires de Cyprien et la première de Nils.
En technique, on a fait plutôt une bonne saison. On n’a pas un groupe capable de gagner toutes les courses comme les Suisses !
En géant, Thibaut fait une saison hyper régulière et Léo signe son premier podium en Coupe du Monde. On a pas mal de jeunes qui arrivent, vont très vites et font des premiers résultats : Alban (Elezi Cannaferina) 11e, Flavio (Vitale) 13e, Loévan (Parand) et Diego (Orecchioni) qui prennent deux qualifications. Il y a une belle densité dans ce groupe.
En slalom, c’est la discipline où on a fait la meilleure saison. Avec moi et avec Steven qui est 10-11e mondial ; Avec Victor (Muffat-Jeandet) qui revient de nulle part pour terminer 19e mondial et Paco qui fait sa meilleure saison, va aux Finales en ayant réalisé un Top 10 à Wengen et des Top 15 ; et aussi avec Hugo (Desgrippes) qui marque des points à Kitzbühel et Antoine (Azoulin) qui rentre dans les 30 à Madonna.
Ce groupe technique a plutôt une belle dynamique, un bon niveau, et on a fait du bon boulot.
La saison des filles a été plutôt décevante mais je ne vais pas en parler car je ne les connais pas suffisamment.
Dans l’ensemble, même si les résultats ont été décevants, ils sont à nuancer. Je pense qu’il y a beaucoup de potentiel à exploiter pour faire de belles choses à l’avenir !
Quel est ton programme avant les vacances ?
Ma fin de saison est bien remplie. Il y a des tests de ski, le tournoi des douanes, et le Red Bull Alpine Park à Val d’Isère. Je suis très impliqué dans cet événement pour en faire un beau moment festif de fin de saison.
Une fois tout cela terminé, ce sera le moment de profiter des vacances.