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David Chastan : « Milan-Cortina est un rendez-vous planétaire, une formidable source de motivation pour tous ! »

Directeur du ski alpin à la Fédération Française de Ski, David Chastan dresse un état des lieux du ski alpin français : restructuration des équipes, lancement du groupe relève, sécurité des athlètes, budgets sous tension, visibilité médiatique insuffisante et ambition olympique à l’approche de Milan-Cortina 2026 et dans la perspective de ceux des Alpes françaises en 2030.

Quelle est précisément votre mission en tant que directeur du ski alpin à la Fédération française de ski ?

Ma mission est globale. Elle englobe à la fois la gestion des équipes de France et la politique de développement des jeunes, dès 14 à 16 ans.

Cela va du haut niveau à la formation, en passant par l’encadrement et tout ce qui touche à la performance. Aujourd’hui, nous comptons 34 athlètes hommes et 19 femmes, accompagnés par un effectif équivalent de techniciens, préparateurs physiques et entraîneurs.

Je m’appuie sur deux directeurs d’équipe : Frédéric Perrin pour les hommes et Lionel Pellicier pour les femmes. Ils assurent la gestion des groupes Coupe du monde / Coupe d’Europe.

Ma responsabilité, c’est d’assurer la cohérence de tout cet ensemble : la politique sportive, les budgets et la vision fédérale du ski alpin français.

La saison dernière a été jugée très décevante. Quel bilan en tirez-vous ?

Il faut distinguer la saison de Coupe du monde des Championnats du monde.

Chez les hommes, nous avons été fortement impactés par de nombreuses blessures et par un manque de leaders dans certaines disciplines. Malgré ces difficultés, plusieurs résultats restent très satisfaisants. Aux Mondiaux de Saalbach, nous n’avons pas décroché de médaille, mais il n’est jamais évident de performer sur des courses d’un jour.

Le palmarès Coupe du monde des meilleurs skieurs tricolores de la saison 2024/2025, au classement général et par discipline

Du côté des femmes, la saison de vitesse a été compliquée, même si la fin de l’hiver a apporté des motifs de satisfaction, notamment avec le podium de Romane Miradoli lors du Super-G de La Thuile. En technique, notre groupe féminin est plus jeune et encore en phase d’apprentissage du très haut niveau. Les résultats obtenus en Coupe d’Europe sont encourageants, et nous pensons que ces athlètes pourront atteindre leur pleine maturité à l’horizon des prochaines Olympiades.

Globalement, cette saison nous a permis de tirer des enseignements précieux pour la suite. Nous avons déjà entrepris une restructuration de certaines équipes féminines en vue du prochain cycle olympique.

La fin de la prochaine saison sera déterminante pour relancer un projet de quatre ans, avec sans doute de nouvelles méthodes de travail et des structures adaptées aux besoins de chaque groupe.

David Chastan avec Clara Direz lors de la reconnaissance du géant des Championnats du monde de Saalbach – Photo copyright Agence Zoom/Chritophe Pallot

Est-ce que cela signifie que le ski alpin français entre dans une saison de transition ?

Non, ce n’est pas une année de transition. Nous arrivons simplement à la fin d’un cycle pour certains athlètes, pendant qu’une nouvelle génération pousse derrière.
Notre objectif est d’être efficaces à court, moyen et long terme. Quatre ans, dans le sport de haut niveau, c’est très court. Il faut anticiper dès maintenant la prochaine Olympiade, d’autant plus qu’elle se déroulera dans les Alpes françaises. C’est une motivation supplémentaire.

Une des grandes nouveautés, c’est le groupe Relève ?

Oui, c’est un vrai changement. Le constat de départ était clair : chez les garçons, la densité est correcte, mais chez les filles, on perd trop de talents. Le niveau est un peu moins haut.

Nous avons lancé un projet de rassemblement de nos meilleurs jeunes, pour les catégories U18 et U21, afin de créer une dynamique collective et d’élever le niveau de performance. Ce sont des catégories d’âge où il est essentiel de franchir un palier de performance. L’objectif est de les faire progresser en se comparant à des références internationales, pas seulement françaises.

Ce groupe Relève s’entraîne désormais avec l’appui de la structure scolaire du lycée d’Albertville et en utilisant le potentiel du CNSS (Centre national du ski et du snowboard). Il est constitué de 19 athlètes, encadrés par 5 coachs et un préparateur physique pour les garçons, et 14 filles, suivies par 3 coachs et un préparateur physique. Un préparateur supplémentaire supervise les tests physiques et les retours de blessure. Un coordinateur assure le lien entre le scolaire et le sportif, notamment pour les plannings des élèves en pré-bac. Enfin, un kinésithérapeute, la cellule psychologique et mentale, ainsi que le suivi médical accompagnent régulièrement les jeunes du groupe.

Nous sommes dans la première année de ce projet. C’est une base solide qu’on fera évoluer au fil des saisons pour renforcer la densité et le niveau de nos athlètes en Coupe du monde.

Le projet de performance fédéral 2023-2026 pour le ski alpin évoquait un risque de baisse de performance à court et moyen terme dans nos disciplines phares, en raison de moyens financiers limités face à la concurrence internationale. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Soyons clairs : nous faisons face à une situation économique très tendue. L’inflation reste difficile à maîtriser, et notre sport évolue dans une dynamique de coûts qui devient préoccupante. Les prix atteignent parfois des niveaux déraisonnables.

Nous sommes également confrontés à la puissance de grandes nations de ski qui disposent de sites d’entraînement incontournables. Pour nous, cela se traduit par des dépenses supplémentaires : aujourd’hui, nous devons payer quasiment toutes les pistes sur lesquelles nous nous entraînons, en plus des forfaits et des hébergements.

Nos budgets restent globalement corrects et nous permettent de préparer nos athlètes dans de bonnes conditions. Cependant, il devient de plus en plus difficile de faire preuve de réactivité face aux aléas climatiques. Adapter notre programmation implique des surcoûts que nous ne pouvons plus absorber. En résumé, nos moyens actuels nous permettent de fonctionner, mais pas nécessairement de progresser en performance.

Par ailleurs, une part du financement est désormais supportée par les familles des jeunes athlètes, et par les athlètes eux-mêmes, ce qui n’est pas une situation idéale.

Nous devons trouver un équilibre entre élargir notre base et concentrer les ressources sur une élite plus resserrée. Le ski de haut niveau, qu’on parle de Coupe du monde ou de Coupe d’Europe, coûte cher — pour les athlètes comme pour la fédération.

Et comme l’a souligné le DTN lors de la dernière assemblée générale de la Fédération, il devient indispensable de repenser notre manière d’élaborer les budgets prévisionnels, car les coûts réels dépassent largement nos estimations initiales.

[Lire le projet de performance fédéral 2023-2026]

Est-ce qu’une des solutions ne serait pas de trouver de nouveaux partenaires, à l’image d’autres grandes nations du ski ?
Nous avons déjà des partenariats solides, mais comme dans le sport, on peut toujours faire mieux. Ce n’est pas uniquement une question d’argent, mais sans un minimum de moyens, il est difficile d’être compétitif face à des nations mieux dotées.

Je pense que la clé passe aussi par une meilleure visibilité médiatique. Si le ski alpin était davantage diffusé à la télévision française, notamment sur les chaînes publiques, comme c’est le cas dans les grandes nations du ski, il serait plus simple d’attirer des partenaires.

Le biathlon en est la preuve : sa médiatisation a créé un véritable engouement populaire.

Nous travaillons pour suivre cette voie pour le ski alpin, même si le contexte est plus complexe. L’alpin reste pourtant une discipline avec un solide héritage de résultats. Mais, nous évoluons dans un pays « hybride », entre mer et montagne, où la culture du ski n’est pas dominante.

La sécurité est un thème récurrent d’actualité pour le ski alpin. Quel regard portez-vous sur les décisions récentes de la FIS ?
C’est important de prendre conscience de ces problématiques. Trouver des solutions ne sera pas forcément simple.
La sécurité en ski alpin est un vaste domaine. Il ne s’agit pas uniquement de mettre en place des protections comme les airbags, les casques ou les sous-vêtements anti-coupures. Il y a aussi la préparation des pistes, le traçage, les conditions d’entraînement… Il faut tout prendre en compte.

Il faut aussi une réelle prise de conscience de la part de l’encadrement. Faire — ou ne pas faire — une séance d’entrainement quand les conditions ne sont pas optimales. La sécurité à l’entraînement est aussi importante que celle en course.

Nous avons également un autre axe de réflexion. Si on ne prépare pas suffisamment nos athlètes au très haut niveau, si l’on engage des coureurs pas prêts, même sur une piste sécurisée, on prend un risque…

[Lire le communiqué de la FIS sur la sécurité]

La FIS a annoncé son intention de certifier des pistes d’entraînement sur des sites homologués. Qu’en pensez-vous ?
C’est une proposition assez logique, et elle était discutée — officieusement — depuis longtemps. J’ai intégré récemment le groupe de travail sur ce sujet. On est cinq ou six à y réfléchir, et chacun a pu faire des propositions.

Cette décision impliquera des investissements et des moyens humains à mettre en place. Pour donner un exemple : en 2003, quand je suis arrivé en Argentine, trois nations s’entraînaient sur deux tracés. Aujourd’hui, il y en a dix-neuf sur quatre ou cinq tracés, sur une piste qui n’est pas plus large qu’auparavant !

Pour assurer la sécurité dans de telles conditions, il faudra des moyens financiers pour aménager ces pistes. On compte beaucoup sur les fédérations, mais il existe deux réalités : les grandes nations sportives, et les grandes nations sportives et financières.

En ce qui nous concerne, on a les moyens de faire du sportif, mais pas beaucoup plus. Il faut que la FIS prenne conscience de cela et qu’elle s’implique, y compris sur le plan financier.

Faut-il repenser aussi les formats des courses ?

Cela peut être un des axes de réflexion. N’est-ce pas le moment de changer un peu les règlements ? De raccourcir les pistes, certaines en tout cas, pour les travailler plus facilement, pour limiter peut-être les accidents ? Ne faut-il pas travailler sur des formats plus courts, en deux manches ?

Cela pourrait rendre l’entraînement plus simple, réduire les risques d’accidents et, indirectement, orienter également l’entraînement des équipes. Parce que si vous faites des courses sur 45 secondes, vous trouvez plus facilement des pistes pour vous entraîner sur 45 secondes !

Est-ce que ce modèle de réflexion est toujours efficace ?
C’est une vraie question. Quand on se retrouve à seize autour d’une table, avec seize intérêts différents, il n’est pas toujours simple de faire converger les objectifs.

Cela dit, une grosse prise de conscience collective a eu lieu cette année, notamment après les drames qui ont touché l’un des pays, l’Italie. Nous avons aussi connu des moments difficiles par le passé.

J’ai le sentiment qu’une vraie dynamique de travail s’est installée. Les échanges entre nations sont plus constructifs et la prise de conscience est plus forte que ce que nous imaginions.

La FIS évoque aussi un volet formation ?
Oui, il y aura aussi un travail à faire sur l’éducation et la formation des coachs, notamment chez les plus jeunes. Il faut qu’ils prennent conscience de l’importance de la sécurité.
Mais selon moi, cette action doit venir de l’intérieur de chaque fédération. Réunir tous les entraîneurs du monde serait trop compliqué.

On entre dans un hiver olympique. La sélection de l’équipe de France de ski alpin regroupera 11 filles et 11 garçons. Quels seront les critères de choix ?

Nous retiendrons les athlètes présentant le plus fort potentiel de médailles pour les Jeux de Milan-Cortina. Concrètement, un coureur capable de signer régulièrement des top 10 en Coupe du monde se positionne comme un candidat sérieux à la sélection.

Cependant, il n’existe pas de critères officiels figés.

Nous attendons les dernières courses pour affiner notre choix et proposer une équipe cohérente. Cette proposition sera ensuite validée par le Comité de sélection de la FFS, puis soumise pour avis à la Commission consultative de sélection olympique (CCSO).

Sur le plan du calendrier, le CNOSF devra confirmer les engagements auprès du comité d’organisation des Jeux de Milan-Cortina avant le 26 janvier 2026 à minuit.

 L’Équipe de France Olympique et Paralympique a été réunie début octobre dans le cadre de la préparation des Jeux de Milan-Cortina 2026 – Photo copyright CNOSF/KMSP 

La saison de Coupe du monde vient de débuter à Sölden. Quel message adressez-vous aux équipes de France de ski alpin ?

C’est une nouvelle page blanche qui s’ouvre. La saison sera longue, mais avec un magnifique horizon : les Jeux olympiques de Milan-Cortina. C’est un rendez-vous planétaire, une formidable source de motivation pour tous.

L’objectif, c’est de s’y préparer avec envie, avec une approche de la course tournée vers le jeu. Qu’ils osent, qu’ils s’expriment, qu’ils prennent du plaisir sur les skis. Le sport, c’est avant tout le dépassement de soi — mais ce dépassement passe aussi par le plaisir et par le travail.

Nous avons des athlètes à différents stades de leur parcours : certains en pleine formation, d’autres proches du terme de leur carrière.

À chacun de savourer ces moments, d’en tirer le meilleur et d’aller chercher des résultats de haut niveau.