Skieur le plus titré de l’histoire du ski français, Alexis Pinturault s’oriente pour la prochaine saison 2023/2024 de Coupe du monde vers une nouvelle discipline, la descente.
L’espace d’un temps d’échanges lors de 2 journées presse organisées à Paris, j’ai demandé à Alexis de se mettre en mode descente pour mieux comprendre comment il peut gravir les échelons dans cette discipline de vitesse.
Photo copyright Agence Zoom/Francis Bompard
Comment se sont déroulés tes deux stages d’été sur les skis ?
Dans l’ensemble, tout s’est très bien passé. On a été plutôt chanceux en faisant le choix de ne pas aller au Chili compte tenu d’une météo qui s’annonçait extrêmement capricieuse.
La ré-orientation vers Zermatt en Suisse a été payante parce qu’on a pu y faire une bonne préparation avec un total de 25 manches de descente et une dizaine en Super-G.
Nous sommes allés ensuite à Ushuaïa où les conditions étaient bonnes. Cela nous a permis de nous concentrer un peu plus sur le géant. J’ai également skié des manches de Super-G. Tout cela mis en chiffres, on a dû faire 65% de géants et 35% de Super-G.
En ce qui concerne ma nouvelle équipe, tout s’est très bien déroulé et je pense que chacun a parfaitement trouvé sa place.
Autre aspect de ta préparation qu’on n’aborde pas souvent. Comment te prépares-tu mentalement pour cette saison où tu vas t’engager dans une nouvelle discipline, la descente ?
Je ne me prépare pas forcément différemment que par le passé. Au niveau mental, je ne me concentre pas sur une discipline en particulier, mais sur toutes les compétitions. Mentalement, le but c’est d’être prêt pour toutes les courses et pas pour une discipline !
La performance est évidemment différente parce qu’on ne fait pas les mêmes courbes. Mais la performance mentale, elle, reste la même.
Sur le long terme, il faut travailler sur l’acceptation de certains choix et sur comment on peut faire abstraction de la frustration. Parce que dans mon cas, il y en aura forcément, surtout si on parle descente !
À l’heure actuelle, je n’ai pas de préparateur mental. J’en ai eu 3 dans le passé et cela a été à chaque fois en pointillé. Le but était d’acquérir des outils et une fois qu’ils étaient acquis, l’objectif était d’être autonome. Un préparateur mental ne doit pas être omniprésent et doit rendre l’athlète indépendant.
Quel sera ton programme de Coupe du monde pour les descentes ?
Je serais au départ de toutes les descentes sauf celle de Zermatt/Cervinia. Car être au départ sur la Gran Becca m’empêcherait de m’entraîner et d’avoir un volume conséquent de « kilomètres » en descente.
En allant à Zermatt-Cervinia, j’aurais pu disputer 5 manches de descente en 5 jours alors que sur la même durée, à Cooper Mountain, je pourrais faire 25 manches de descente ! Notre idée, c’est d’augmenter considérablement mon volume d’entraînement en descente.
Dans cette discipline, je n’ai jamais marqué de points et que je ne figure pas dans les 30 premiers du classement de la discipline. Il n’y a pas de réel intérêt pour moi d’être au départ de cette première descente de la saison.
J’ai donc prévu de rejoindre Cooper Mountain aux Etats-Unis à partir du 9 novembre pour me préparer aux courses de Beaver Creek (1-3 décembre).
Quelles sont les descentes qui pourraient te convenir cette saison ? Et pourquoi ?
La Birds of Prey à Beaver Creek, la Stelvio à Bormio, la Streif à Kitzbuhel, la descente des Finales à Saalbach. Les profils de ces 4 descentes devraient me convenir car il y a de la pente donc de la technique, avec en plus des conditions assez exigeantes due à une neige glacée et très dure comme on le voit souvent à Bormio et à Kitzbühel.
A Kvitfjell en Norvège, certaines sections de la piste de descente devraient également me convenir.
Dans tes interviews, tu associes souvent ton sport, le ski alpin de haut niveau, à la notion de plaisir. Comment peut-on prendre du plaisir sur les descentes à Bormio ou à Kitzbühel ?
(Rire). Là très clairement, le plaisir est un peu différent. On le trouve plus dans l’adrénaline que procure la course, et par toutes les émotions qu’on ressent. Celles qui vont s’entremêler et s’entrechoquer et qui font qu’on se sent bien vivant.
C’est donc plus pour le côté du flirt qu’on a avec le risque et qui va démultiplier l’adrénaline, qu’on va prendre du plaisir !
La descente est une discipline qui demande beaucoup d’engagement et une grande prise de risques. Quel est ton rapport avec la peur sur les skis ?
Je ne pense pas qu’on puisse dire qu’on n’a pas peur. J’aurais tendance à dire qu’on a une grosse force de respect pour les pistes. On est conscient qu’elles peuvent être dangereuses et risquées.
Il faut rester relativement humble vis-à-vis de toutes ces situations pour lesquelles on doit rester extrêmement concentré – et il faut l’être à 100% sur ce qu’on fait – pour limiter justement tout ce côté risques.
Cette appréhension, cette forme de peur, est tout de même importante. C’est ce qui nous procure un bon état psychologique au départ pour nous permettre de réussir de belles choses à l’arrivée.
A quoi pourrait ressembler une saison réussie d’Alexis Pinturault en vitesse ?
En Super-G, une saison réussie serait de continuer sur la même lancée que l’année dernière, voire-même, faire un peu mieux. Donc pourquoi pas aller chercher un podium sur le classement du globe de la discipline.
En descente, je dirais que c’est tout autre chose. Il faut que je commence à faire mon « cocon » dans cette discipline, que j’essaye d’être calme pour construire vraiment ma saison. Pas forcément dans la perspective de cet hiver 2023/2024 mais plus pour les deux prochaines années.
Je suis conscient que je pars de loin et qu’il me faudra marquer bon nombre de points. Si je peux progresser le plus vite possible, ce serait idéal et je ne m’en priverais pas. Je préfère donc ne pas me fixer de perspective de rang mondial.
Mon objectif est de donner le meilleur à chaque départ et d’amener ma performance dans cette discipline. Et ne pas mettre la charrue avant les bœufs !