En 1975, un groupe de jeunes skieurs canadiens a défié les géants du ski alpin mondial, imposant un nouveau style sur les pistes de Coupe du monde, jusque-là dominées par les Européens. Leur aventure, gravée dans l’histoire du sport, est racontée dans Crazy Canucks, un téléfilm qui retrace leur audace et leur détermination.
Dans cette troisième chronique Piste aux écrans, Diane Doniol-Valcroze nous emmène sur les traces audacieuses de ces légendaires canadiens et de leur combat pour l’histoire.
Inspiré de White Circus : l’histoire d’une équipe qui a changé le ski de vitesse
» Basé sur le livre White Circus de Ken Read, Crazy Canucks retrace le parcours audacieux de cette équipe de ski qui a fait trembler les puissances européennes. Le film explore les multiples facettes de leurs parcours : sacrifices personnels, défis financiers, personnels et sportifs, mais aussi la fraternité et le courage qui les unissaient.
Les Crazy Canucks n’étaient pas simplement des skieurs. Ils étaient des aventuriers, des casse-cou, prêts à tout pour repousser les limites du possible. Avec leurs chutes spectaculaires et leur style explosif, ils incarnaient l’esprit d’une génération de rebelles sur les pistes.«
Les Crazy Canucks : des descendeurs hors normes
» Steve Podborski, Ken Read, Dave Irwin, Dave Murray et « Jungle » Jim Hunter formaient cette équipe unique qui, de 1975 à 1984, a fait trembler les Européens, emmenés par des figures légendaires comme Franz Klammer, Sepp Walcher ou Bernhard Russi.
Leur surnom, « Crazy Canucks », a été imprimé pour la première fois par le journal romand « La Suisse » le 8 décembre 1975, au lendemain de la spectaculaire victoire de Ken Read avec le dossard 1 dans la descente du Critérium de la Première Neige de Val d’Isère. Quatre Canadiens se classaient parmi les dix premiers de cette course alors que le favori Klammer et le Valaisan Roland Collombin étaient malheureusement victimes de chutes.
C’est le journaliste Serge Lang qui a lancé cette appellation originale rapidement reprise par tout le monde, impressionné qu’il était par leur style téméraire et leur capacité à repousser leurs limites à l’entraînement comme en course.
Il s’agissait de la première victoire d’un coureur d’Amérique du Nord en descente. Au total, les Canadiens ont remporté une quinzaine de descentes y compris des « Classiques » comme Kitzbühel, Wengen ou Garmisch-Partenkirchen ! En 1980, Steve Podborski s’adjugeait la médaille de bronze aux Jeux Olympiques de 1980 à Lake Placid puis le classement Coupe du Monde de descente deux ans plus tard. En 1972, Jim Hunter avait déjà remporté une médaille mondiale au combiné FIS des Jeux Olympiques de Sapporo.
C’est le journaliste Serge Lang qui a lancé cette appellation originale rapidement reprise par tout le monde, impressionné qu’il était par leur style téméraire et leur capacité à repousser leurs limites à l’entraînement comme en course. Ken Read a d’ailleurs évoqué cette période passionnante dans son livre « White Circus » publié par la suite.«
Un tournage au cœur des Alpes autrichiennes
» Randy Bradshaw, réalisateur passionné et fin connaisseur du monde du ski, a voulu capturer dans ce téléfilm toute l’authenticité de cette histoire. Il connaissait bien le domaine de Lake Louise au Canada et les athlètes de l’équipe canadienne. Pour autant, le tournage de Crazy Canucks n’a pas eu lieu au Canada (en raison des coûts élevés, notamment liés aux syndicats) mais en Autriche, soutenu par la Cine Tirol Film Commission.
Depuis sa création en 1998, cette commission dirigée par Johannes Köck a contribué à faire du Tyrol un lieu privilégié pour les productions cinématographiques, générant des retombées économiques importantes pour la région. Grâce à cette collaboration, les paysages spectaculaires du Tyrol ont donné vie aux exploits des Crazy Canucks.
Le tournage s’est réparti sur 25 jours et 20 lieux différents, parmi les plus beaux domaines skiables du pays. A St. Anton, la descente mythique des Crazy Canucks des années 70 a été minutieusement recréée. Le film a aussi bénéficié du soutien de la marque autrichienne Fischer, qui a reproduit les skis d’époque pour donner plus d’authenticité.
Le tournage a été marqué par un moment fort : la visite de Franz Klammer qui a été un instant de fierté pour toute l’équipe du film et d’admiration pour le légendaire skieur autrichien.
L’équipe de tournage a dû faire face un véritable défi. La montagne imposait ses propres règles et le moindre contretemps, en particulier lié à la météo, pouvait bouleverser la planification. Entre les prises de vue, l’équipe trouvait des moments de réconfort et de convivialité autour d’un vin chaud et des barres de chocolat !
Les acteurs, pour la plupart novices en ski, ont suivi un entraînement intensif d’une semaine afin d’apprendre notamment à se déplacer avec des skis et des chaussures de ski, encadrés par une équipe de consultants spécialisés. Ce sont des cascadeurs et d’anciens skieurs professionnels qui ont réalisé les séquences de ski les plus techniques. Malgré ces préparatifs minutieux, les risques étaient réels. Lors d’un grand saut, un cascadeur s’est cassé la jambe, nécessitant son rapatriement en France.
Le tournage a été marqué par un moment fort : la visite de Franz Klammer qui a été un instant de fierté pour toute l’équipe du film et d’admiration pour le légendaire skieur autrichien.
Tout au long du tournage, chaque membre des Crazy Canucks a joué le rôle de consultant pour veiller à l’exactitude de l’histoire, ayant un droit de regard sur chaque version du scénario. « Jungle Jim » Hunter s’est particulièrement illustré par sa volonté de s’assurer que le film reste fidèle à la réalité. De plus, les acteurs avaient la possibilité de contacter les vrais skieurs qu’ils incarnaient, échangeant conseils et anecdotes pour enrichir leurs performances.
Cette collaboration fluide entre les acteurs et les Crazy Canucks a été saluée par tous. Le réalisateur Randy Bradshaw a souligné la forte camaraderie qui régnait sur le plateau, une véritable réplique de celle qui existait au sein de l’équipe originale.«
Une épopée humaine et sportive
» Le téléfilm débute en 1974, où l’équipe masculine canadienne sort d’une saison décevante. Avec pour objectif de détrôner la légende autrichienne du ski Franz Klammer, les Crazy Canucks redoublent d’efforts pour atteindre les sommets. Chaque personnage apporte sa nuance à l’histoire : « Jungle » Jim Hunter, déjà médaillé de bronze aux Jeux olympiques de Sapporo, lutte pour répondre aux attentes ; Dave Irwin, et les recrues Ken Read et Steve Podborski cherchent à prouver leur valeur ; et Dave Murray, l’éternel pacificateur, tempère les tensions internes ; tandis que Scott Henderson, le plus jeune entraîneur du circuit, travaille dur pour canaliser l’énergie débordante de son équipe, tout en gérant la pression croissante.
Le film capture particulièrement bien l’excitation et l’enthousiasme de l’équipe Canadienne masculine. Ce qui m’a frappé dans Crazy Canucks, c’est l’esprit d’équipe qui s’en dégage. Même si chaque skieur était en compétition pour les podiums, une profonde solidarité les unissait. L’absence de soutien financier et les difficultés matérielles ont forgé des liens solides entre les membres de l’équipe, qui se soutenaient mutuellement dans les moments difficiles.
On sent que le metteur en scène Randy Bradshaw a mis tout son coeur dans ce film. Ce qu’il montre particulièrement bien, c’est le manque de soutien financier de l’équipe canadienne face aux puissants Européens.
L’une des plus belles scènes du film se déroule dans une chambre d’hôtel lorsque Ken Read (interprété par Lucas Byrant) visualise la piste de descente depuis son lit. Il y a quelque chose de très onirique et de très intime. Je donnerais aussi une mention spéciale à l’acteur Sandy Robson qui joue « Jungle Jim » Hunter. »
Une avant-première bouleversante
« L’avant-première de Crazy Canucks au Whistler Film Festival en 2004 fut un moment de grande émotion. Les spectateurs ont en effet rendu un hommage vibrant à Dave Murray (décédé et emporté par un cancer à l’âge de 37 ans), en présence de sa femme et de sa fille. Crazy Canucks a obtenu le Prix du meilleur film de ce Festival.
Quand le film a été projeté au Festival du Film de Calgary, les membres des Crazy Canucks étaient assis dans la salle. Fait notable : « Jungle Jim » Hunter », a choisi de regarder tout le film debout, au fond de la salle.
Ces instants témoignent de l’impact émotionnel de cette histoire, non seulement pour ses protagonistes mais aussi pour toute une communauté !
Crazy Canucks n’est pas seulement un hommage à des champions. C’est une ode à la passion, à l’esprit de sacrifice, et à ces liens indéfectibles qui se tissent dans les moments les plus difficiles.
Le film reste un incontournable pour tout amateur de ski qui souhaite découvrir l’histoire héroïque des Crazy Canucks et comprendre l’impact qu’ils ont eu sur le ski de compétition.«
Fiche technique du film Crazy Canucks
Date de sortie télévisée : 2 février 2005 sur CTV
Réalisation : Randy Bradshaw
Producteur : Randy Bradshaw, Doug MacLeod et Lorenz Augustin
Alberta Film Works/CTV
Scénario : Ken Chubb, Graeme Manson et Don Truckey
Acteurs principaux : Kyle Labine, Lucas Bryant, Sandy Robson, Curtis Harrison, Robe Tinkler, Gabriel Hogan, Joe Norman Shaw, Pierre Chagnon, Achim Schelhas, Stefen Riedl, Michel Heil
Musique : Mike Shields
Un grand merci à Randy Bradshow, réalisateur et à Doug MacLeod, co-producteur de Crazy Canucks pour leurs précieuses informations, qui ont grandement enrichi cette chronique.
Nous exprimons également notre gratitude à Patrick Lang pour sa contribution sur l’histoire sportive des Crazy Canucks.
À propos de Diane Doniol-Valcroze
Diane Doniol-Valcroze est diplomée de l’Université de New York (Master of Fine Arts in Filmmaking). Depuis 2006, Diane est scénariste à Hollywood et membre de la Writers Guild of America. Elle a plusieurs années d’expérience comme Script Doctor à la Metro Goldwyn Mayer et, plus récemment, à Paramount Studios. Diane améliore les scénarios de film en leur réinjectant des idées neuves, originales et novatrices pour l’emmener à bon port, vers le tournage. Elle a travaillé sur bon nombre de films et de séries à succès.
Sa passion pour le ski vient essentiellement de sa famille Savoyarde. Son grand-père, Pierre Cot, a été député de la Savoie de 1928 à 1951. Diane porte le ski dans ses gênes, entre une carrière dans le cinéma et une passion intacte pour les pistes enneigées.