Lindsey Vonn tout schuss pour un nouveau défi !
Photo copyright Agence Zoom/Alexis Boichard
La décision prise par les dirigeants de la FIS au début de l’été dernier d’autoriser d’anciens grands champions à revenir sur le circuit de la Coupe du monde moins de cinq ans après leur retrait a inspiré quelques « légendes du ski » à saisir l’opportunité de renouer avec la compétition. Leur objectif : revivre des moments forts sur leurs skis de course.
Lindsey Vonn et Marcel Hirscher partagent de nombreux points communs, notamment leurs 20 globes de cristal, grands et petits, remportés au cours de leur (première) carrière. Parmi eux, 8 gros globes pour l’Autrichien Hirscher, qui a brièvement représenté les Pays-Bas, le pays de sa mère, avant de se blesser au genou lors d’un entraînement en Autriche, et 4 gros globes pour la superstar américaine Vonn. Coïncidence, les deux athlètes ont quitté le circuit en 2019 – à 30 ans pour Hirscher et à 34 ans pour Vonn, qui a fêté ses 40 ans en octobre dernier.
Le Super-G féminin de Coupe du monde à Saint-Moritz pourrait bien être l’un des temps forts de ce début de saison. La légende américaine Lindsey Vonn va faire son grand retour en tant que compétitrice, un peu plus de cinq ans après avoir remporté sa dernière médaille FIS en descente à Are, en Suède. Ses bonnes performances lors des courses FIS à Copper Mountain, au Colorado, lui ont permis de marquer suffisamment de points FIS pour se qualifier sur le circuit de la Coupe du monde. Elle a également été très rapide le week-end dernier à Beaver Creek, en dévalant la difficile piste “Birds of Prey” en tant qu’ouvreuse, sans prendre trop de risques. Reste à savoir si la vétérane américaine pourra se rapprocher du podium sur la redoutable piste “Corviglia” à Saint-Moritz où elle a triomphé en janvier 2015 !
Avec ses 82 victoires dans toutes les disciplines du ski alpin, Vonn demeure l’une des skieuses les plus titrées de l’histoire du sport. Elle est également connue pour son esprit combatif et sa résilience, des qualités qui lui ont permis de revenir au plus haut niveau après de douloureuses blessures et des chutes spectaculaires. Lors de ses dernières saisons, la championne de Vail a concouru malgré de fortes douleurs au genou, qu’elle a finalement fait opérer avec succès au printemps dernier. Un morceau de titane y a même été inséré pour le renforcer.
« Les deux dernières années de ma carrière, j’étais en mode survie », a-t-elle confié la semaine dernière à Beaver Creek. « Je suis plus forte maintenant. Je ne pense plus à mon genou, je réfléchis à la manière dont je vais exécuter ma course », a ajouté l’Américaine, qui peut désormais skier sans douleur sur les pistes rapides.
Sa course d’adieu à Are, en Suède, s’est terminée par une magnifique 3e place, obtenue un jour après une spectaculaire chute en Super-G alors qu’elle luttait pour la victoire. Un résultat symbolique qu’elle a célébré avec son équipe et avec le soutien de la légende du ski suédois Ingemar Stenmark, qu’elle avait personnellement invité pour l’événement.
Athlète positive et modèle charismatique, Lindsey semblait alors satisfaite de mettre fin à sa carrière extraordinaire sur une note aussi éclatante, même si elle pouvait quand même nourrir quelques regrets. Elle a perdu de nombreuses opportunités de courses au fil des ans à cause d’accidents dramatiques, comme en Super-G à Schladming lors des Mondiaux de 2013 ou en Andorre en 2016. Ces accidents l’ont très certainement empêchée de prétendre à d’autres victoires, globes de cristal ou médailles, notamment lors des Jeux Olympiques de 2014 en Corée du Sud, du fait qu’elle mettait chaque fois pas mal de temps à retrouver sa forme gagnante.
Il ne fait guère de doute que Vonn aurait pu établir de nouveaux records de victoires si elle avait pu éviter ses pénibles moments et ses douleurs aux genoux. Beaucoup estimaient qu’elle était capable d’atteindre le record de 86 victoires en Coupe du monde établi par Ingemar Stenmark au cours de sa carrière glorieuse. Vonn s’est en effet souvent classée à la 2e place, à seulement 1/100e de seconde du vainqueur.
La décision de Marcel Hirscher de revenir sur le circuit n’a pas suscité beaucoup de réactions émotionnelles au sein de la communauté du ski, ses anciens rivaux semblant plutôt amusés – ou parfois même ravis – de le croiser à nouveau. En revanche, le choix de Lindsey Vonn a souvent été accueilli avec scepticisme par les experts et anciens athlètes, inquiets de son potentiel physique à 40 ans. Certains craignent aussi qu’elle ne prenne trop de risques avec son genou droit récemment opéré.
Le fait que Lindsey n’ait jamais cessé de s’entraîner intensément en salle de sport, et qu’elle ait même réussi l’hiver dernier à descendre la difficile « Streif » de Kitzbühel de nuit et sous les projecteurs, n’a pas convaincu ses détracteurs quant à sa capacité à skier à grande vitesse sur les pistes de Coupe du monde.
Pourtant, certains compétiteurs se disent prêts à être agréablement surpris par son retour. « Elle a 40 ans et assez d’expérience pour savoir ce qu’elle fait », a ainsi déclaré Hirscher, dont le retour en slalom géant à Soelden en octobre a été jugé positif après une honorable 27ème place, même s’il a ensuite eu des difficultés lors des deux courses suivantes. « Elle skie très bien et assez vite. Sur certaines pistes, elle pourrait obtenir de bons résultats », a estimé de son côté le Suisse Marco Odermatt, le grand dominateur des trois dernières saisons, qui l’a observée à Copper Mountain, où il s’entraînait lui aussi en novembre.
Les retours sur le circuit de ski alpin sont rares, mais certains d’entre eux ont marqué l’histoire, comme ceux de l’Autrichienne Annemarie Moser-Pröll et du Français Jean-Claude Killy dans les années 1970.
Après avoir dominé le circuit de 1971 à 1975 avec cinq globes de cristal consécutifs et de nombreuses médailles d’or, Annemarie Moser-Pröll s’est retirée à seulement 22 ans après les finales de la Coupe du Monde à Val Gardena. Elle a manqué les Jeux Olympiques de 1976 à Innsbruck, souhaitant prendre du recul et s’occuper de son père malade, décédé d’un cancer cette même année.
Mais à l’approche de la saison 1976/77, elle a soudainement décidé de revenir à la compétition. Dès décembre, elle a remporté la première descente de la saison à Cortina d’Ampezzo, quelques jours après avoir terminé 3ème du slalom géant à Val d’Isère. Elle a ensuite ajouté des médailles d’or à sa collection, remportant le titre olympique manquant à Lake Placid et un sixième globe de cristal en 1979. Elle a décroché 21 nouvelles victoires en Coupe du Monde avant de se retirer définitivement à 27 ans, en 1980.
C’est seulement 35 ans plus tard que Lindsey Vonn a égalé cette performance en remportant la descente de Cortina en janvier 2015, un moment très émouvant pour la championne olympique 2010. Elle a ensuite ajouté 20 nouvelles victoires malgré les nombreux revers.
« J’espère juste que Lindsey reste en bonne santé et qu’elle s’amuse malgré les dangers. Son retour peut apporter beaucoup d’excitation au circuit. »
Jean-Claude Killy
Quelques années plus tôt, un autre retour marquant avait eu lieu lorsque Jean-Claude Killy a remporté le titre mondial des professionnels à Aspen en mars 1973, au terme d’une bataille intense contre l’Américain Spider Sabich. Killy n’avait pas couru sérieusement depuis les finales de la Coupe du monde 1968 à Heavenly Valley, où Sabich avait fêté sa première et unique victoire en Coupe du monde »
« Mon retour était un véritable défi personnel », a expliqué Killy. « J’ai toujours aimé ce genre de paris personnels. J’avais 29 ans et j’étais en bonne forme physique. J’ai eu du mal à m’adapter au format au début, mais en janvier 1973, j’ai déjà gagné un slalom parallèle… C’était vraiment amusant. »
« Je comprends la motivation de champions comme Hirscher et Vonn. Pour un descendeur, rien n’est plus grisant que d’avoir une longue piste bien préparée juste pour soi », a-t-il ajouté. « J’espère juste que Lindsey reste en bonne santé et qu’elle s’amuse malgré les dangers. Son retour peut apporter beaucoup d’excitation au circuit. »
Souhaitons à Lindsey de profiter pleinement d’une saison en toute sécurité et qu’elle puisse, peut-être, se rendre à Kvitfjell en février 2025, là où son amie Picabo Street avait remporté une superbe médaille d’argent en descente aux Jeux olympiques de 1994.
Article rédigé par Patrick Lang, journaliste sur la Coupe du Monde depuis le Critérium de Val d’Isère 1968 sur les traces de son père, Serge Lang, envoyé spécial sur le ski alpin pour l’Equipe de 1958 à 1985, et un des fondateurs de la Coupe du Monde de ski alpin en 1966.
Chef de Presse des Mondiaux de Val d’Isère en février 2009, Lang Jr. a « couvert » des milliers de courses de la Coupe du Monde organisées sur tous les continents, y compris en Océanie, Amérique du Sud et Asie, au cours des dernières décennies. Il a choisi de partager avec les lecteurs de « Top Ski News » certains des moments forts qu’il a vécus dans le sillage des grandes Etoiles du « Cirque Blanc ».