Fort d’une progression régulière ces trois dernières saisons, Marc Rochat a été récemment promu dans l’équipe nationale de Swiss-Ski. Prêt à en découdre avec les meilleurs slalomeurs du circuit, le skieur de Lausanne affiche à 31 ans une confiance tranquille : cette saison pourrait bien le voir jouer les premiers rôles entre les piquets serrés.
Vous abordez cette nouvelle saison avec un nouveau statut. Qu’est-ce que cela change pour vous ?
J’ai passé un cap dans les statuts de Swiss-Ski puisqu’aujourd’hui je fais partie de l’équipe nationale. C’est un pas important et, gentiment, je m’établis dans le monde de la Coupe du monde. Mais fondamentalement, cela ne change pas grand-chose. Je reste dans le même groupe d’entraînement. C’est de la reconnaissance, au niveau national. Les gens m’écrivent en me disant « Fantastique, équipe nationale ». Je reçois un peu plus de matériel de la part de Swiss-Ski et aussi une voiture, ce qui est très bien !
Quel regard portez-vous sur votre parcours, marqué par une éclosion un peu plus tardive que pour d’autres skieurs ?
J’ai longtemps cru en mes capacités et je pensais franchir le cap plus rapidement. Mais cela n’a pas été mon histoire. Je suis passé par des moments compliqués et de doute.
Petit à petit, avec l’expérience et la maturité, j’ai évolué d’une manière où j’ai compris que la constance avait plus d’importance que la performance en soi. J’ai appris à canaliser mes énergies et grimper petit à petit pour faire mes étapes de cette manière.
Votre préparation a-t-elle évolué avec ce nouveau statut ?
Pas différemment par rapport à la saison dernière. J’ai un peu changé de direction il y a trois ans avec mes problèmes de dos et de genoux. J’ai évidemment modifié pas mal de choses dans ma préparation. Cela a porté ses fruits ces trois dernières années. Je crois que les statistiques de mon rang mondial le démontrent aujourd’hui.
J’aborde les choses de manière très sereine. J’écoute et je m’écoute beaucoup plus qu’avant. Je dois voir comment mon corps réagit.
Ma préparation jusqu’à aujourd’hui s’est très bien passée. On a fait un super stage en Amérique du Sud où on a beaucoup skié pour un vétéran comme moi. Pour l’instant, tout va bien.
Comment voyez-vous la suite de votre carrière, entre les jeunes talents et les plus anciens ?
Je commence gentiment à avoir un œil sur les plus anciens. C’est aussi le chemin que j’espère pouvoir suivre parce que rien n’est jamais gagné ou donné dans notre sport. Une carrière peut s’arrêter du jour au lendemain. Mais au vu de ma forme physique et celle sur les skis, et aussi avec cette sérénité que j’ai gagné ces dernières années, j’espère pouvoir la tirer aussi longtemps que possible.
Qu’est-ce qui vous a permis d’atteindre cette sérénité ?
J’ai trouvé la constance que je n’avais, jusqu’à l’an dernier, jamais eue. J’ai enfin touché au fait de pouvoir rentrer après tous les week-ends avec des points dans la poche, des résultats prometteurs et du plaisir.
Tout cela, je le garde, c’est une expérience supplémentaire. Je sais ce que cela fait d’être à l’arrivée de quasiment toutes les courses de l’’hiver, ce qui n’était pas le cas ces dernières années.
J’engrange de l’expérience, des kilomètres, et gentiment, je me place aux avant-postes et je sais que je suis capable d’y rester.
Qu’est-ce qui a fait justement que vous avez engrangé des points à chaque course ?
Il y a eu deux facteurs. Le premier, c’est évidemment ma saison 2022/2023 qui a bien tourné, avec ma première qualification à un événement majeur, les championnats du monde (Courchevel Méribel 2023). Cela a été certainement un événement clé.
Le deuxième, c’est le fait de retrouver du plaisir à skier parce que mon corps me le permettait. Le simple fait de pouvoir me lever le matin et de savoir que j’allais être capable de performer à mon meilleur niveau sans trop de peur de me dire que mon dos ne me permette pas de continuer à skier, a été un poids énorme qui s’est levé de mes épaules.
C’est certainement ce qui m’a permis aussi de retrouver cette joie et de comprendre pourquoi je pratique ce sport. Je l’ai toujours su depuis gosse. J’adore le ski, j’adore la compétition, j’adore la vitesse, j’adore pouvoir jouer. Et lorsqu’on a ces doutes constants, c’est difficile de retrouver cette valeur d’enfant qui est simplement d’aller donner le meilleur de soi et de s’amuser !
Comment vos blessures ont-elles influencé votre carrière ?
Sans mes blessures, je ne serais probablement pas là aujourd’hui. Cela a été une expérience de vie extraordinaire au travers de laquelle j’ai énormément appris. Je pense sincèrement que sans ces moments difficiles, je n’aurais jamais eu la hargne, ni la force de continuer à me battre indéfiniment.
Mes blessures m’ont freiné par rapport à mes coéquipiers, j’ai perdu beaucoup de temps et je ne suis pas passé par des moments très drôles… Mais in fine, j’estime que tous ces moments passés à la maison, à voir les autres évoluer et avancer, puis ceux où j’ai dû me battre, ont été une grande force pour moi.
Les retours de Braathen et Hirscher sont-ils positifs pour le ski alpin ?
Absolument, c’est une bonne chose. Braathen est un phénomène avec une forte personnalité. J’ai en tête Alberto Tomba qui a été un personnage extraordinaire et qui a fait regarder du ski à des Siciliens, ce qui est quand même spécial !
Aujourd’hui, on a un Brésilien au départ d’une Coupe du Monde, on a un Hollandais qui revient, évidemment avec un statut un peu particulier. Je pense que d’un point de vue médiatique, c’est une bonne chose pour nous tous.
Je vais faire en sorte de ne pas me faire battre par un Hollandais, ni par un Brésilien [Rires].
La concurrence s’intensifie avec ces retours. Est-ce un défi supplémentaire pour vous ?
Certainement, ça fait des fruits supplémentaires dans la salade, mais je pense que tout le monde est capable de gagner ses courses.
Qu’il y ait deux skieurs de plus ou de moins, ça ne va pas changer grand-chose ! Tout le monde est là avec le couteau entre les dents pour se battre pour les trois premières places.
Que pensez-vous de la nouvelle règle instaurant des Wild Cards pour les retours d’athlètes ?
C’est une très bonne chose pour le monde du ski qu’un Marcel Hirscher revienne et soit rapidement aux avant-postes et dans la télé. Parce qu’un Marcel Hirscher qui part 75e, évidemment, c’est un peu plus compliqué pour le faire voir au monde entier.
Après, évidemment, c’est un statut qui est un peu injuste face aux skieurs qui se battent corps et âme pour pouvoir décrocher une place dans les 30 meilleurs mondiaux. Mon cœur balance un peu. Au final, les débats ne sont pas terminés… Je pense qu’on va avoir encore quelques polémiques. J’y porte peu d’importance parce qu’à nouveau, je me concentre sur ma préparation.
A quoi pourrait ressembler une belle saison pour vous cet hiver ?
Si on regarde les trois dernières années, je suis passé de la 30e à la 18e, puis à la 9e place ! Rien ne m’empêche d’aller chercher les premiers rangs cette année. En tout cas, j’y crois, et si je n’y croyais pas, je ne serais pas là. Aujourd’hui, je pense être capable de jouer les premiers rangs.
Comme d’habitude, il y aura des surprises et des inattendus. Tout dépendra de cette saison, mais je suis serein. Je vais me battre avec les tous meilleurs, ça c’est certain.