Champion Olympique de descente à Vancouver en 2010, Didier Défago est encore aujourd’hui très impliqué dans le monde du ski. Il partage pour TopSkiNews sa vision de la saison de Coupe du monde 2020/2021 qui a été remplie de suspense jusqu’aux finales de Lenzerheide.
Copyright photo Didier Défago
Peux-tu nous rappeler quelles sont les activités que tu exerces aujourd’hui ?
J’exerce actuellement différents mandats pour lesquels je suis encore beaucoup en contact avec le monde du ski. Je travaille notamment avec le Groupe Rossignol pour lequel je fais un suivi au niveau matériel des athlètes en Coupe d’Europe.
Je collabore aussi avec Bernhard Russi pour le design des nouvelles pistes de compétition au niveau international, notamment pour les Jeux Olympiques de Pékin et sur des projets de Championnats du monde et de Coupe du monde.
J’ai également repris à l’automne dernier la présidence des remontées mécaniques du Canton du Valais.
Enfin, je travaille depuis 14 ans avec un de mes partenaires à l’organisation d’événements destinés à des clients dans le domaine du sport.
Quel regard portes-tu sur cette saison de Coupe du monde 2020-2021 ?
Cette saison qui s’annonçait difficile au niveau organisation s’est au final bien déroulée. Je pense qu’elle a été importante pour notre sport et de ce côté-là c’est une grande réussite.
On peut dire aussi que le contexte sanitaire et son organisation rigoureuse au sein de la bulle des athlètes a été cette saison un paramètre supplémentaire qui a pris de l’énergie à tout le monde. On a perdu cette saison l’élément festif avec le public et l’ambiance qui prend aussi de l’énergie mais qui est sans doute une énergie positive pour les athlètes.
Cette saison a été à suspense jusqu’au bout, chez les femmes comme chez les hommes. On imaginait à un moment que les deux leaders Alexis Pinturault et Petra Vlhova, allaient gagner « relativement facilement » au classement général. Mais on a vu Lara Gut-Behrami revenir en force depuis le mois de janvier et Marco Odermatt commencer à jouer les premiers rôles et « bousculer » Pinturault. On a vraiment pu se rendre compte combien dans le ski il n’est pas évident pour les athlètes de conserver un niveau régulier tant physique que psychologique de la première à la dernière course. Dommage d’ailleurs que la météo ait jouer les troubles fête aux Finales.
Cela a apporté beaucoup d’attention sur la fin de saison. Le ski a fait de très bonne audience durant cet hiver. C’est très bon pour notre sport et très positif et prometteur pour l’avenir.
Parlons maintenant de trois des courses hommes en vitesse. Commençons par Wengen qui n’a pas pu avoir lieu cette année. Je suppose que cela a été une énorme déception en Suisse ?
Le Lauberhorn est une course mythique. La frustration a été plus grande pour les organisateurs et pour les athlètes suisses de ne pas courir à la maison. Cet événement est attendu chaque année. Et même le public ne pouvait pas y assister, courir à la maison, c’est quelque chose de vraiment spécial.
Cela montre la complexité qu’il y a eu cette saison pour la FIS, pour les organisateurs et pour les athlètes de tenir le programme. Que le Lauberhorn ne puisse pas se courir a été un peu le point noir de la saison.
A Kitzbühel, qu’as-tu pensé de la performance de Beat Feuz qui n’avait jamais gagné sur la Streif et qui remporte les deux descentes du weekend ?
La performance de Beat a été grandiose. Il a bien su gérer le jour de repos entre les deux descentes pour bien se ressourcer et se remettre dedans pour la deuxième course.
Kitzbühel fait partie de ces descentes, comme le Lauberhorn et Bormio, qu’il faut aborder en respectant la piste sans essayer d’aller au-delà de ses limites. Et on sait que Kitzbuhel, l’expérience est très importante. D’ailleurs sur la deuxième descente, Johan Clarey et Dominik Paris étaient sur le podium avec Beat.
Cela faisait un moment que Beat tournait autour. Il l’a fait, donc bravo à lui. Sa performance est grande.
Sur le Super-G de Cortina, les coureurs ont dû mettre un coup de frein avant le passage de la bosse sur le haut du tracé. As-tu rencontré dans ta carrière ce type de situation ?
Cela fait partie des choix tactiques qu’on voit à la reconnaissance et qu’on fait ensuite pour sa course. La discipline du Super-G est ainsi faite et il faut beaucoup d’instinct. Freiner comme ont dû le faire les athlètes à Cortina, je n’ai pas d’exemple dans ma carrière. Mais me relever pour enlever un peu de vitesse sur un passage, cela m’est arrivé plusieurs fois. On peut aussi arrondir un peu plus une courbe pour sortir avec plus de vitesse alors que la logique voudrait qu’on tende la courbe pour faire moins de chemin.
Je peux mentionner le fameux passage du Minschkante sur la descente du Lauberhorn à Wengen. On a parfois l’impression que des skieurs sont beaucoup trop haut en sortie de ce passage. Par contre, ils prennent beaucoup plus de vitesse et ils arrivent derrière à franchir le Canadian Corner de façon propre. A l’inverse, il y en a qui coupent plus à l’intérieur et s’ils arrivent à rester propre en sortie, tant mieux. Et il y a ceux qui n’y arrivent pas !
Il y a aussi le Super-G de Kitzbühel avec l’entrée de la traverse. On arrive avec une assez grosse vitesse et c’est mieux de mettre une petite dérive pour rester bien haut pour prendre de la vitesse par la suite. Mais tout cela dépend bien entendu du tracé.
Quels sont les athlètes qui t’ont impressionné cette saison ?
Je dirais d’abord Loïc Meillard. Il a été très constant dans toutes les disciplines durant toute la saison. Il n’a pas fait autant de podiums qu’il aurait dû. C’est un athlète impressionnant.
Il y a bien sur le grand Alexis. Cela faisait des années que Pinturault tournait autour de ce gros globe. Cette saison, il a pu aller jusqu’au bout et cela n’a pas été facile. Il y a chez lui une longévité qui est juste époustouflante. Son gros globe est amplement mérité. Cela risque de le libérer pour les prochaines saisons.
En Suisse, et ce n’est pas du chauvinisme, on a Odermatt qui sera attendu au virage la saison prochaine et on verra comment il va gérer cela.
Chez les dames, Petra Vlhova m’a impressionné car elle a réussi à tenir la distance et Lara Gut-Behrami a démontré qu’elle était capable de jouer les premiers rôles et cela a été très fort.
Quel a été ton meilleur moment de cette saison de Coupe du monde ?
Je dirais les deux géants d’Adelboden. C’est une piste hors du commun qui est spectaculaire. J’ai suivi ce grand moment comme beaucoup devant mon écran en zappant entre la retransmission de la RTS et celle d’Eurosport.
Cette course a été prenante.
La carrière de Didier Défago en résumé
Champion olympique de descente à Vancouver (2010)
18 saisons en Coupe du monde et 402 départs
5 victoires, 16 podiums