Après un superbe début de saison marqué par une très belle 11e place au Super-G de Val d’Isère, la skieuse de Marseille, Camille Cerutti, s’est malheureusement blessée au cours de la descente des Jeux Olympiques de Pékin en février dernier.
Depuis Albertville où elle va bientôt démarrer sa réathlétisation, Camille nous parle de sa carrière, de ses meilleurs et moins bons moments de ski, de son parcours de reconstruction depuis les JO de Pékin, et aussi de ses partenaires, indispensables pour qu’elle aille encore plus vite et plus haut.
Bonjour Camille. Pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas encore, pourriez-vous vous présenter ?
Je suis originaire de Marseille et j’ai 23 ans. Dès mes plus jeunes années, je souhaitais faire du ski. Mes parents m’ont donc inscrit au Club des Sports de Risoul où je suis licencié actuellement.
J’ai démarré mes premières compétitions dès l’âge de 6 ans. Mon seul objectif était de pouvoir intégrer un jour le Pôle France à Albertville afin de vivre de mon sport et de faire une belle carrière.
Ma discipline de prédilection est le Super-G. C’est la combinaison parfaite de tout ce que j’aime dans le ski : la vitesse, l’engagement, les courbes, la technique… Ce qui me plait aussi beaucoup, c’est qu’on s’élance pour une manche « One shot », sans entraînement. Je coure aussi en descente et en géant.
Je viens d’intégrer le Groupe Coupe du monde de vitesse et j’en suis très fière.
Parallèlement à mon parcours sportif dans le ski de haut niveau, je poursuis actuellement des études à Grenoble. Je suis en deuxième année de licence STAPS (Sciences Technique pour l’Activité Physique et Sportive).
Qu’est-ce que vous retenez de votre début de saison, jusqu’aux Jeux Olympiques de Pékin ?
Il a été hyper impressionnant pour moi. J’avais mis beaucoup de choses en place dans ma saison de Coupe d’Europe et dans ma préparation l’été et l’automne dernier. Mon objectif était de passer un cap technique pour me permettre, à terme, d’arriver là où je veux être.
En travaillant beaucoup avec mes coachs sur cet objectif, j’ai pu accéder à des entraînements de niveau Coupe du monde. Lorsque j’ai intégré le Groupe Vitesse, cela a été une véritable révélation…
Dès ma première course à Lake Louise, sans connaître la piste, je réussis à rentrer dans les 30 et en plus, en descente ! En marquant mes premiers points en Coupe du monde (premiers points hors ceux réalisés en combiné il y a trois ans), je me suis dit que la saison allait être belle. Cela s’est bien poursuivi ensuite. Il n’y a pas eu que du très positif mais sur chaque course, j’ai pu faire de belles sections.
A Val d’Isère, j’ai réussi à pratiquer mon meilleur ski en étant à 100% et relâchée. J’ai vraiment pu montrer ce dont j’étais capable. Je signe une superbe 11e place en Super-G. Il y a eu ensuite le contrecoup de cette belle perf et cela a été un peu plus difficile à cause de la pression que je me suis mise pour montrer que ça n’avait pas été un coup de chance.
Quel a été le meilleur moment de votre carrière ?
Je vais dire qu’il y en a eu deux. Tout d’abord, mes premiers points à Lake Louise. C’était mon rêve de petite fille et cela a été un vrai soulagement.
Et puis, bien entendu il y a ma 11e place au Super-G du Critérium de la Première Neige. Pour moi, cette journée à Val d’Isère reste surréaliste et demeure encore un rêve, de le faire en France devant ma famille et mon copain était parfait.
Et le plus difficile ?
Contrairement à ce que tout le monde peut penser, ce n’est pas le jour de ma chute en descente aux JO de Pékin. Après cette chute, j’ai essayé de ne pas pleurer et de prendre le positif. Ce n’est qu’un genou, c’est la vie et il faut s’en remettre ! J’ai su faire les choses un jour, j’y reviendrai c’est sûr.
Le moment le plus difficile de ma carrière a été ma blessure au dos en 2015. J’ai dû arrêter le ski pendant toute une saison pour suivre une rééducation. On m’a alors dit que je ne pourrais sûrement plus jamais skier.
Cela a été un moment très difficile mais aussi très formateur. J’ai su apprendre de l’échec et apprendre à travailler pour obtenir ce que l’on souhaite sans l’aide de personne.
Comment s’est passée votre reconstruction après votre chute en descente aux JO de Pékin ?
J’ai eu la chance d’être très bien encadrée dès les premières minutes qui ont suivi ma chute à Pékin. Stéphane Bulle, le médecin des équipes de France de ski, était avec moi dans l’ambulance qui m’a conduit à l’hôpital. Il m’a tout de suite rassuré et expliqué les démarches. Le soir même, j’avais des discussions avec mes coéquipières qui m’ont donné des conseils grâce à leur expériences passées de blessures aux genoux (Tessa, Coralie, Tiffany…).
De retour en France, j’ai ensuite été opérée à Lyon le 2 mars par le docteur Fayard. Mon opération chirurgicale était un peu complexe car en plus des croisés, je me suis cassée les deux ménisques dans ma chute ! Il m’a dit qu’il n’avait vu ce type de blessure qu’une seule fois chez un skieurcross auparavant, et que le choc a été très important lors de ma chute.
J’ai ensuite passé un mois alité, sans pouvoir bouger, marcher, sortir de chez moi.
Je recommence aujourd’hui à faire du sport avec de la musculation afin de renforcer tout ce qui peut l’être autour de mon genou. Je fais aussi un peu de vélo, mais sans forcer. J’ai la chance d’être merveilleusement bien accompagnée par mon préparateur physique Clément Perez qui me permet de travailler autour du genou avant de rentrer en reathlé.
Dans toute cette phase, j’ai pu également prendre du temps pour mes études.
Je vais démarrer début juin ma phase de réathlétisation. Cela sera la quatrième fois que je passe par cette cellule de la FFS. Je vais y aller étape par étape. Quand j’aurais coché toutes les cases, le moment du retour sur les skis arrivera.
Est-ce que vous étiez devant le petit écran le jour de la victoire de Romane Miradoli ?
Oui, bien sûr. Et j’ai pleuré. Mentalement, cela m’a fait un bien fou même si j’aurai rêvé d’être là pour vivre ça avec eux. Romane a été capable de le faire et peut être qu’un jour, je le ferais aussi. Je suis dans la même position qu’elle un an plus tard, sans son expérience. Je suis plus jeune, mais j’ai pu m’identifier et me dire que je pourrais performer l’année prochaine si je fais les choses bien.
J’ai ressenti beaucoup de fierté d’être dans ce Groupe. Cet hiver, il y a eu une ambiance et une émulation exceptionnelle. C’était génial car chaque fille du Groupe a réussi ce qu’elle voulait faire. Romane gagne une première course en Coupe du monde, Laura [Gauché] signe un premier Top 5, moi je rentre dans les 15 à la porte du Top 10 et Tiff [Tiffany Gauthier] termine sa carrière d’une belle manière. Nous sommes toutes différentes mais on se soutiens et le staff est vraiment génial. Ils m’ont accueilli comme la petite jeune qui ne connait pas le circuit. Ils m’ont conseillé et porté tout l’hiver. Arrivé en bas de mes courses, elles m’attendaient et m’ont sauté dans les bras. On a toutes pleuré quand je suis revenue de l’hôpital parce qu’on aurait aimé finir cette saison toutes ensembles…
Quelle est la skieuse de vitesse qui vous a le plus impressionné durant la dernière saison ?
C’est Sofia Goggia. Je rêve de gagner un jour comme elle. Skier comme elle, pas forcément [Rire], sinon je pense tuer ma mère. Avoir cette volonté, cet engagement, je trouve cela assez dingue.
De la voir réussir à revenir aussi vite au plus haut niveau pour les JO après sa chute et faire une médaille, c’était magnifique !
J’ai pu discuter un peu avec elle cet hiver. C’est la première skieuse qui m’a félicité à Val d’Isère quand je suis sorti de l’aire d’arrivée parce qu’elle attendait pour son podium. Pendant ma période de rééducation, elle m’a aussi envoyé un vocal pour me souhaiter de revenir vite.
C’est une fille que j’admire.
Aujourd’hui, une saison Coupe du monde coûte cher. Avez-vous des partenaires qui vous accompagnent ?
Je suis désormais dans le Groupe Coupe du monde et effectivement une saison coûte cher. Il me faut désormais franchir un cap car pour l’instant je ne gagne pas ma vie (*).
Je n’ai pas la chance d’avoir un contrat avec les Douanes ou avec l’Armée. J’espère un jour en voir un, mais pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Je m’appuie déjà sur une série de partenaires que je remercie mais j’en cherche de nouveaux pour m’aider à franchir ce cap dans ma performance et dans mes objectifs.
Je propose plusieurs approches.
Cela peut être des partenariats matériels comme par exemple, ceux que j’ai avec Bang & Olufsen Provence et Nissan Couriant.
J’ai aussi des partenaires qui m’aident à financer ma saison. Sans que cela n’atteigne des montants élevés, car chaque euro est important. Je peux citer Ski Indoor à Nîmes et Indigènes.
J’ai aussi la chance d’avoir des partenaires plus importants qui me suivent depuis le début de ma carrière. C’est par exemple ma station, Risoul, et un cabinet d’avocats de Marseille, Capstan avocats.
Je souhaite préciser que j’ai créé une association et les dons qui sont faits peuvent être défiscalisés. N’hésitez pas à me contacter pour en parler (cam.cerutti@orange.fr).
J’ai aussi un partenaire ski qui est Atomic. Je suis très agressive sur mes skis et en rejoignant cette marque il y a deux ans, j’ai franchi un cap significatif. Je suis avec cette marque parce qu’elle me convient. C’est une belle famille qui prend soin de moi et pour laquelle l’humain compte beaucoup.
(*) Le montant des primes de course de Camille Cerutti pour la saison 2021/2021 s’est élevé à 2500 euros !
Quel est votre prochain rêve en Coupe du monde sur vos skis ?
J’aimerais bien prendre une revanche sur ces JO. Même si je ressors de Pékin avec 90% de positif, j’aimerais aller dans 4 ans à Milan-Cortina et prétendre à une médaille.
Courchevel-Méribel 2023 est dans ma ligne de mire. Je vais faire comme d’habitude. Ne pas me fixer d’objectif précis, mais pratiquer mon meilleur ski et donner le meilleur en me disant que je ne peux pas faire mieux. Pour ne pas avoir de regrets.
Mon rêve ultime, ce serait de remporter un jour un globe de cristal.