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Quand Margot nous parle de Matthieu

Après l’interview de Dominique Gisin sur sa sœur Michelle, TopSkiNews poursuit sa série d’entretiens dans des familles de champions.

Margot Bailet, désormais retirée du circuit Coupe du monde de vitesse et l’ainée de 6 ans de Matthieu, s’exprime sur son talentueux jeune frère qui vient de réaliser la meilleure saison de sa carrière.

Bonjour Margot. Pour celles et ceux qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous vous présenter ?

J’ai été en équipe de France pendant 15 ans, dont 10 ans en Coupe du monde de vitesse. J’ai quelques Top 10 à mon actif et deux 4e place.

Il y a deux ans, j’ai décidé d’arrêter ma carrière. Je suis resté dans le ski car j’aime cette activité. Je suis passé de l’autre côté et aujourd’hui j’entraîne les jeunes du club des Sports de Val d’Isère. C’est un groupe d’une vingtaine de jeunes de moins de 12 ans (U12).

Je suis donc toujours dans ce que j’aime mais ce n’est plus moi qui coure, ce sont les autres.

Un frère et une sœur niçois, tous deux en équipe de France de ski et tous les deux en vitesse : c’est assez étonnant. Racontez-nous comment cela a été possible…

Nous sommes nés dans une famille sportive qui pratiquait plutôt le football et le handball que le ski. Nous avons beaucoup skié dans notre jeunesse dans la station d’Auron.

Ce qui nous relie, c’est notre passé sportif. Nous pouvons remercier nos parents car nous avons pu toucher à tout. On aime faire du sport et nous pratiquons beaucoup.

On aime la glisse, cette sensation d’être sur les skis et être dehors. C’est ce qui nous rapproche.

Je pense que ce sont nos traits de caractère qui ont fait qu’on s’est dirigé tous les deux vers la vitesse. On aime l’adrénaline, le dépassement de soi, cette peur, le gout du risque qu’on trouve dans la descente. C’est le plus de cette discipline extrême par rapport aux autres disciplines du ski alpin.

A quel moment de votre vie Matthieu a été plus rapide que vous sur ses skis ?

On n’a jamais cherché cette compétition entre nous. On ne s’est jamais comparé. Nous sommes plutôt dans le partage et l’entraide. On a de la chance car tout s’est fait instinctivement sans que nous ayons à forcer. J’ai toujours été fière de ce qu’il accomplissait et inversement. 

Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui il va plus vite que moi [rire].

Quand vous étiez encore en équipe de France, est-ce que vous passiez beaucoup de moments ensemble ?

Oui on se voyait beaucoup plus qu’actuellement. Dès que Matthieu est rentré en équipe de France, il est venu habiter en Savoie comme moi. Il y a eu une période où on partageait beaucoup de chose et on s’entraidait. Cela a été des années formidables par ce que partager comme cela avec son petit frère ce n’est pas donné à tout le monde.

On a participé ensemble à une finale de Coupe du monde. C’était à St Moritz et pour lui c’était la première. Etre ensemble sur le même spot de Coupe du monde restera un souvenir gravé en moi et cela n’a pas de prix.  

Avez-vous le souvenir d’un moment mémorable passé sur les skis avec Matthieu ? 

Celui qui me revient en mémoire est un moment illustré par une photo que j’ai dans ma chambre. Matthieu était encore tout petit. J’étais aux championnats de France à Auron, dans notre fief ! Je venais de faire un bon résultat en géant ce qui n’est pas ma discipline de prédilection.

Matthieu a couru vers moi et on s’est serré dans les bras l’un et l’autre. Et quand je revois cette photo, l’émotion est encore présente.

Et d’une anecdote de jeunesse que Matthieu nous aurait soigneusement caché ?

Autant je savais exactement ce que je souhaitais faire comme sport : le ski a été pour moi une évidence. Autant pour Matthieu ça a mis plus de temps à se décider. Il était très porté sur les sports de combat. Le ski, notamment lié au froid et à l’inconfort que peut représenter l’attirail pour s’en protéger, le dérangeait dans ses plus jeunes années.

En grandissant, il a dû faire un choix afin de progresser davantage dans l’un des deux sports et aujourd’hui, il ne regrette absolument pas ce choix. Il adore ce qu’il fait sur les skis.

En dehors du ski, est-ce que vous avez d’autres passions communes avec votre frère ?

On partage beaucoup de choses. Les gens qui nous connaissent disent de nous que nous sommes très fusionnels.

On partage notamment le gout du voyage. On est parti ensemble au japon en 2015 pendant 23 jours avec notre sac à dos. On aime essayer de nouvelles choses, on est avare d’apprentissage.

En dehors du ski, comme je le disais précédemment, on aime pratiquer d’autres sports. J’adore le vélo et Matthieu préfère marcher.

Matthieu vient de réaliser sa meilleure saison en Coupe du monde. D’après vous à quoi cela est-il du ?

Quand on arrive à ce niveau, c’est dû à un ensemble de choses. Il y a d’abord tout le travail qu’il a mis en place depuis des années. Et cette saison, tout s’est mis bout à bout pour permettre les performances qu’on connait.

Matthieu a aussi acquis beaucoup d’expérience ces deux dernières années sur le circuit Coupe du monde. Il a pu apprendre à mieux connaitre les pistes du circuit et on sait combien c’est important en descente. Il est en effet très difficile de faire des résultats quand on débute en Coupe du monde dans cette discipline.

Cette saison, Matthieu a vraiment passé un cap technique sur les skis. Il n’a plus

un « ski d’enfant ». Son ski est devenu solide. Il fait aussi moins peur même s’il prend des risques. Il a progressé techniquement tout en gardant ce grain de folie qui le caractérise. Et quand il fait des erreurs, il n’est plus largué comme avant dans les chronos.

C’est un ski de Coupe du monde. S’il le pratique régulièrement à ce niveau, il accomplira de belles choses.

Matthieu est devenu une sorte de « force tranquille ».

Quelle est la course de Matthieu qui vous a le plus impressionnée cette saison et pourquoi ?

Je vais en citer deux. D’abord celle qui a été folle, le Super-G de Kitzbühel. J’avais la chance d’être devant la télé. Matthieu avait un dossard quasi impossible. Il s’engage énormément, il manque de sortir, maintenant on a l’habitude [Rire] et en bas il fait ce résultat incroyable : 8e !
C’était une course au culot, à l’engagement qui le caractérise bien. C’était vraiment un exploit à Kitzbühel, la Mecque du ski.

Bien sûr, il y a sa 2e place à Saalbach, son premier podium en Coupe du monde. C’est sa course la plus aboutie tout en maîtrise avec beaucoup d’engagement. On sent que sur cette course il a réussi à allier les deux. En Super-G, c’est le plus dur à faire. Il n’y a pas d’entraînement, c’est chaque fois un « one Shot ».

Il faut se faire confiance, respecter la tactique du tracé et quand on est très engagé comme lui, c’est très difficile de trouver le bon endroit où mettre le curseur.

Sur cette course Matthieu a été impressionnant de maîtrise.

Vous avez suivi la course en direct ?

Non. Ce jour-là, j’étais sur les pistes en fin de matinée pour entraîner les jeunes de Val d’Isère. Mon téléphone n’arrêtait pas de vibrer. Quand j’ai aperçu les messages avec plein de félicitations, j’ai connecté mon téléphone…

J’ai crié sur le téléski, j’ai sauté de joie. J’étais dans l’euphorie et j’avais beaucoup de mal à réaliser. J’ai envoyé un message à Matthieu et j’ai dit aux jeunes « Skier, faites-vous plaisir ».

C’était une belle journée et on a partagé avec Matthieu le soir au téléphone.

Je n’avais jamais vécu cela !   

Vous entrainez les U12 au Club des Sports de Val d’Isère. Un conseil à donner au jeune Matthieu Bailet pour l’aider à progresser encore ?

Je ne me permettrais jamais de le coacher, et il n’y a nullement besoin de ça car nous sommes constamment dans l’échange. C’est de cet échange qu’il peut parfois y avoir des prises de conscience et qu’il en tire ce qu’il veut.

Je dirais simplement qu’il reste fidèle à lui-même.

Pour conclure, si vous deviez résumer votre frère Matthieu en 3 mots, quels seraient-ils ?

Perfectionniste, gros travailleur et sensible.

Il est perfectionniste dans tout ce qu’il fait, dans le ski comme dans sa vie. Il cherche à tout bien faire dans le moindre détail. Dans sa compréhension, dans sa recherche de performance. Il ne laisse jamais rien au hasard. Tout ce qu’il pourra perfectionner, il le fera.

Matthieu est aussi un très gros travailleur et il n’est pas utile de le pousser dans ce sens. C’est d’ailleurs plus facile de gérer quelqu’un qui travaille trop que quelqu’un qui ne fournit pas assez d’effort.

Matthieu est quelqu’un de sensible dans sa personnalité mais aussi dans sa perception des choses. Cela se voit aussi sur les skis. Il est très engagé mais il arrive à faire des courbes très glissées, presque en douceur. Sa sensibilité, c’est sa plus grande force. Dans le sens où Matthieu arrive à percevoir des choses que les autres ne verront pas !