Dans cette nouvelle chronique signée Diane Doniol-Valcroze, le documentaire Pablo – Blessure invisible réalisé par Clément Simon raconte la bascule d’un jeune espoir de la vitesse après une commotion de trop. Le film dévoile l’après-chute, loin des podiums, et plonge dans l’intimité d’une blessure silencieuse qui bouleverse tout. Une immersion rare dans les fractures invisibles du ski de haut niveau. Un film d’autant plus précieux qu’aucune œuvre du monde du ski n’avait encore traité sérieusement la commotion cérébrale.
Dans Pablo – Blessure invisible, le réalisateur Clément Simon signe bien plus qu’un documentaire : il ouvre une brèche dans un monde où l’on glorifie la vitesse mais où l’on refuse souvent de regarder en face les fractures invisibles. À travers le récit intime de Pablo Banfi, jeune espoir du ski de vitesse stoppé net après une commotion de trop, le film dévoile l’après-chute — cet espace silencieux où le bruit du sport s’éteint et où tout vacille.
Une commotion, la troisième. Celle qui change tout.
Mars 2023, Coupe d’Europe. Un choc violent, une troisième commotion cérébrale. Pablo Banfi, formé aux Saisies, promis à l’équipe de France, avance vite — trop vite ce jour-là. Ce n’est pas une fracture, pas une blessure apparente. C’est une rupture interne, silencieuse, qui ne se voit pas mais qui déstabilise tout : l’équilibre, la mémoire, la personnalité, l’identité même d’un jeune athlète.
Ce qui devait être un portrait court de 3 à 5 minutes devient immédiatement autre chose. En discutant avec Pablo, en cherchant des références, l’équipe du film découvre une évidence brutale : il n’existe aucun documentaire approfondi sur la commotion cérébrale, ni dans le ski ni ailleurs dans le sport français. Le sujet est vital, méconnu, presque tabou — et pourtant central dans la vie et la reconstruction de nombreux athlètes.
Novembre 2023 – Avril 2024 : six mois qui changent un film, et un réalisateur
Le tournage débute en novembre 2023. Très vite, Clément découvre un univers qu’il ne connaît pas : le fonctionnement fédéral, les enjeux de sponsors, les mécanismes médicaux, les pressions silencieuses du haut niveau.
À chaque étape, le film se réécrit.
L’écriture devient organique, mouvante. Le scénario et le storyboard s’ajustent sans cesse au fil des confidences de Pablo. Chaque nouvelle information oblige à renverser la perspective, à repenser les images prévues, à comprendre les zones d’ombre du ski de vitesse — un sport où l’on chute souvent, mais où l’on parle très peu des conséquences.
Cette évolution transforme profondément le documentaire — tant et si bien que la FFS intégrera plus tard Pablo – Blessure invisible à ses conférences, comme outil pédagogique.
Plongée au Centre de Neurovision
Une séquence majeure se déroule au Centre de Neurovision de Lyon, dirigé par Romain Bordas.
Pablo y entame un bilan neuro-optométrique pour comprendre ce qui ne tourne plus rond : coordination, stabilisation du regard, connexions fragilisées.
Chaque exercice ressemble à une reconstruction patiente du cerveau — presque artisanale.
Pablo, un athlète profondément attachant
Ce qui frappe immédiatement chez Pablo, au-delà de la blessure et des turbulences qu’elle provoque, c’est son authenticité désarmante. Il n’a rien du héros lisse que le sport de haut niveau aime fabriquer. Pablo est entier, spontané, sensible — et c’est précisément cela qui le rend si attachant. Derrière le casque et la combinaison, on découvre un jeune homme qui doute, qui raconte sans filtre ses peurs, ses vertiges, ses pertes de repères.
Pablo porte le film autant que le film porte Pablo. C’est son humanité qui embarque le spectateur, son intelligence émotionnelle, son besoin de comprendre ce qui lui arrive, mais aussi son envie de rester debout, de rester lui-même, loin des clichés du “champion invincible”.
Ce documentaire émouvant, intime, ouvre enfin les yeux d’un sport entier sur une blessure trop longtemps ignorée.
La mise en scène est sobre, presque retenue, laissant l’espace nécessaire aux silences, aux regards et aux gestes infimes. Cette économie de moyens renforce l’impact émotionnel du récit et donne au spectateur le temps de ressentir plutôt que de juger.
Un film qui, à sa manière, sauve des vies.
Merci à Clément Simon pour sa contribution et ses éclairages lors de l’écriture de cet article.
Voir le documentaire « Pablo – Blessure invisible
Fiche technique du documentaire
Titre : Pablo – Blessure invisible
Réalisateur : Clément Simon
Coproducteurs : Clément Simon, Pablo Banfi
Production : Clément Simon avec la Fédération Française de Ski (coproduction)
Genre : Documentaire
Durée : ~ 37 minutes
Pays : France
Année : 2024
À propos de Diane Doniol-Valcroze
Diane Doniol-Valcroze est diplômée de l’Université de New York (Master of Fine Arts in Filmmaking). Depuis 2006, elle est scénariste à Hollywood et membre de la Writers Guild of America. Elle a travaillé comme Script Doctor à la Metro Goldwyn Mayer puis à Paramount Studios, où elle injecte idées neuves et souffle narratif dans de nombreux projets de films et de séries. Sa passion du ski vient de sa famille savoyarde : son grand-père, Pierre Cot, fut député de la Savoie de 1928 à 1951. Entre cinéma et montagnes, Diane porte le ski dans ses gènes, avec une passion intacte pour les histoires où le destin se joue sur une ligne de pente.
