Il y a cinquante ans, sur la neige de Val d’Isère, le temps s’est figé pour Roland Collombin. En quelques secondes, la carrière du champion suisse s’est brisée net sur la piste Oreiller-Killy. Une chute, une blessure grave au dos, et le silence après le fracas.
Depuis ce 6 décembre 1975, le nom Collombin est à jamais attaché à une bosse de cette piste mythique, qui accueille ce week-end une étape de Coupe du monde de vitesse dames.
Infographie Club des Sports Val d’Isère
6 décembre 1975 : Roland Collombin est de retour au Critérium de la première neige à Val d’Isère. Un an plus tôt, il s’était blessé sur ce même tracé. Une blessure sans gravité majeure, qui lui avait permis de revenir au plus haut niveau lors des stages de préparation avant la saison suivante.
Le Valaisan veut retrouver sa place parmi les hommes à battre. Il disputera même l’entraînement pré-olympique d’Innsbruck avec le dossard 1.
Il arrive à Val d’Isère porté par la confiance et la rage de vaincre. Et il veut frapper fort. Tout se met bien en place dès le premier entraînement. Collombin signe le meilleur chrono et il se dit confiant.
Mais une zone de la piste Oreiller-Killy, une bosse située sur la partie glisse du haut du tracé, reste dans sa tête. À l’époque, il confiera à Patrick Lang avoir « toujours eu peur de cette bosse ». Un passage qui le bloque. Un doute qu’il n’a jamais totalement effacé.
Juste avant de s’élancer sur le deuxième entraînement, Roland Collombin glisse quelques mots à l’Autrichien Franz Klammer. Une phrase captée dans un reportage de RTS Sport :
« Écoute, Collombin est de nouveau là. Il faut aussi compter sur lui. »
Trente secondes plus tard, il s’élance. Il raconte sur RTS Sport « Je me suis dit, je ne vais pas aller vite, j’ai le meilleur temps. Je ne me suis pas concentré du tout et je suis arrivé sur cette bosse… »
Tout bascule. Il perd l’équilibre, et tape violemment la piste, sur la partie plate de la réception du saut. La chute est terrible. Quand Collombin veut essayer de se relever, plus rien ne bouge. « J’avais un peu mal dans le dos. ça y est, je suis paralysé » pense rapidement Collombin.
Le verdict est terrible. Touché à une vertèbre, Roland Collombin est héliporté vers l’hôpital de Bourg Saint Maurice, puis transféré au centre pour paraplégiques de Bâle. Les jours sont longs, il restera trois mois à l’hôpital. Son avenir sportif est incertain : après une rééducation difficile, il retrouvera finalement sa mobilité, mais ne remettra plus jamais un dossard.
Depuis son lit d’hôpital, pourtant, le champion reste lié au ski. En 1976, lors des Jeux olympiques d’Innsbruck, la Télévision suisse romande réalise un duplex resté dans les mémoires : Roland Collombin commente en direct la descente victorieuse de Franz Klammer aux Jeux Olympiques d’Innsbruck. De quoi lui faire oublier l’espace d’un instant son immense déception de ne pas pouvoir aller défier Klammer sur la neige autrichienne.
À seulement 24 ans, le Suisse referme le chapitre d’une carrière aussi brève qu’exceptionnelle.
Son fait d’armes majeur reste la médaille d’argent olympique en descente à Sapporo, en 1972.
Il s’incline alors uniquement derrière son compatriote Bernhard Russi.
Sa trajectoire s’était dessinée dès 1971, à Val d’Isère. Une septième place lui ouvre alors les portes de l’équipe B suisse. Personnage attachant, Collombin savait particulièrement gérer son énergie entre entraînements et courses.
Entre 1972 et 1974, Collombin domine la descente mondiale. Il décroche deux globes de cristal dans la discipline reine. Sur seulement 14 départs en Coupe du monde, il monte 11 fois sur le podium.
Huit de ces courses se soldent par une victoire. Son palmarès impressionne par sa régularité sur les pistes mythiques de descente. Trois succès à Garmisch-Partenkirchen. Deux à Kitzbühel. Une victoire à Wengen, Val Gardena et Avoriaz.
Un palmarès immense, interrompu trop tôt. Et une bosse, à Val d’Isère, qui porte encore son nom. Elle raconte son histoire.
Nota : Des travaux de terrassement ont été entrepris durant l’été 1976. Ils ont consisté à relever le niveau d’environ 2 à 3 mètres de façon à atténuer l’impact du saut sur cette bosse à Collombin.











