Seul skieur encore en activité au sein du Groupe Coupe du monde vitesse à avoir gagné une descente (à 3 reprises), Adrien Théaux s’élance cette semaine à Zermatt-Cervinia sur une nouvelle saison avec de l’expérience et de l’ambition.
Après la saison dernière placée sous le signe de la reconstruction suite à sa grave blessure, le skieur de Val Thorens s’est en effet fixé comme objectif de remettre le pied sur un podium de Coupe du monde.
Photo copyright Agence Zoom/Alexis Boichard
Quel est le niveau de ta préparation à quelques jours du lancement de ta saison de vitesse ?
Ma préparation physique s’est bien passée. J’ai eu quelques « bobos » de temps à autre mais cela m’a permis de ne pas dépasser une certaine limite dans l’effort qui m’aurait fait encore plus mal. Mon objectif est un peu celui de tous les skieurs de mon âge, c’est à dire garder un très bon niveau physique et une forme optimale. Ce qui me permet d’être bien aujourd’hui, ce qui n’a pas toujours été le cas pour moi dans le passé en entrée de saison. J’arrive au départ de la première descente avec de la fraicheur physique et mentale, ce qui est très important.
Sur les skis, les sensations sont bonnes, j’ai bien évolué sur pas mal de points. Je n’ai pas pu faire tout ce que je voulais. Je ne suis pas satisfait mais je n’ai pas le choix. On a eu des conditions exécrables au Chili. Cela a été le pire stage que j’ai effectué en termes de conditions météorologiques et de ski. Ce qui est très important en descente, c’est de faire « tourner » ses skis. Plus ils tournent, plus ils vont vite ! C’est très différent en technique ou en slalom où tu peux prendre des skis neufs.
Je vais arriver à Zermatt avec deux descentes au programme et avec seulement deux journées de préparation en descente. C’est trop peu ! Le point positif c’est que j’ai un très bon technicien de ski, Seb, qui est avec moi depuis 8 ans, et un très bon parc d’anciens skis qui me permettent d’avoir une base pour le début de saison. Ce qui fait que je ne suis pas trop inquiet.
Qu’est-ce que tu peux me dire sur le profil de la Gran Becca à Zermatt-Cervinia ?
C’est une piste que je connais assez peu. On a skié quelques portions sur sa partie haute qui n’est pas très raide. On s’est entrainé il y a quelques années sur la partie basse qui devrait être assez vallonnée. Techniquement, je ne pense pas qu’elle soit difficile. Il y a juste un mur avec 5 portes qui va « envoyer » un peu.
Ce qui va la rendre difficile, c’est surement la vitesse qu’on va atteindre et surtout sa longueur. Nous n’avons pas couru une descente depuis la fin de la saison dernière et la reprise va se faire sur une course d’un peu plus de 2 minutes avec un départ à 3800 mètres d’altitude ! Ce sera donc très difficile au niveau physique.
Cette nouvelle piste du circuit tracée en haute altitude a fait beaucoup parler. Quel est ton avis sur les critiques récentes ?
Je comprends parfaitement les différents avis qui se sont exprimés de part et d’autre sur ce sujet. D’un côté, la « Speed opening » de Zermatt/Cervinia correspond au lancement de la saison de ski au moment où la neige est de retour. Cela concerne tout l’écosystème du ski notamment les marques de ski, les journées skieurs dans les stations, …
De l’autre côté, c’est une évidence que nous devons faire attention à notre environnement. On en est tous bien conscient, cela fait partie de notre sport. S’il y a un manque d’attention, on ne pourra plus le pratiquer. On n’avait vraiment pas besoin de ces images et de cette publicité pour le ski alpin !
Par ailleurs, tout n’est pas exact sur ce qui a été dit au sujet des glaciers. Je ne vais pas m’étaler sur le sujet car je pense qu’un glaciologue le ferait bien mieux que moi.
Ce que je trouve dommageable, c’est que cette course est programmée beaucoup trop tôt dans le calendrier. C’est particulièrement défavorable cette année car nous avons eu de très mauvaises conditions d’entraînement. Ce qui fait qu’on va arriver à Zermatt sans être vraiment prêt pour disputer une descente !
On observe d’ailleurs depuis quelques années une évolution des saisons et on trouve de bonnes conditions de ski fin mars et courant avril dans les stations d’altitude. Ce serait bien de suivre cette évolution en décalant la date de démarrage des courses de Coupe du monde car aujourd’hui notre saison se termine actuellement le 20 mars ! En fin de saison, il y a encore des personnes qui vont skier et il y a aura des fans de ski pour suivre les courses de Coupe du monde même si c’est début avril.
Je pense donc que la solution est de décaler un peu le début et la fin de saison car les conditions seront meilleures. Nous devons travailler ensemble avec la FIS car notre sport est magnifique. Nous devons tous travailler pour le montrer de la meilleure des manières et l’élever encore plus haut.
Tu as posé récemment avec la nouvelle combinaison de l’équipe de France…
Cette combinaison me plait beaucoup. Colmar est une marque familiale magnifique qui fête ses 100 ans. 100 ans d’innovation et surtout de passion ! C’est ce que je ressens quand je porte cette combinaison. C’est une équipe que j’apprécie beaucoup et qui est très investit pour nous équiper avec la meilleure combinaison qui soit.
Ce design est sympa et permet de fêter un très bel anniversaire pour cette grande marque.
La vitesse, notamment la descente est une discipline à risque. Quel est ton rapport avec la peur ?
Au début de ma carrière, c’était plus de l’adrénaline que de la peur. Si je suis venu dans ce sport et dans cette discipline, c’est que cela me plait. Je ne suis pas une tête brulée qui va se jeter sans réfléchir sur des pistes très exigeantes.
J’aime les sensations que me procure la vitesse sur les skis et l’adrénaline associée. Au départ, on a de l’appréhension, et une fois la ligne d’arrivée franchie, l’adrénaline est à bloc et je n’ai qu’une envie : remonter pour recommencer.
La vraie peur est venue après mon dernier accident parce que j’ai touché du doigt un autre niveau de blessure avec des conséquences qui auraient pu être beaucoup plus graves…
Mon rapport avec la peur a donc changé et la saison dernière j’éprouvais plus d’appréhension. Il faut l’accepter pour arriver à passer au-delà. Cette peur est normale car si tu n’en as pas, tu prends des risques inconsidérés et tu vas aller au carton. Et en descente, les cartons font très mal…
Descendre une piste, ce n’est pas compliqué pour nous. Mais la descendre en prenant les risques qu’il faut pour jouer la gagne correspond à un autre niveau d’engagement. C’est très compliqué et cela n’est pas facile à mettre en place.
Quels sont les objectifs pour cette saison ?
La saison dernière, j’ai été à deux doigts de monter sur le podium en descente à Val Gardena. Donc cette saison, mon objectif c’est de remonter sur des podiums.
En descente, je me suis classé 21e la saison dernière, ce qui pour moi a été extraordinaire. J’espérais faire de bonnes courses, mais personne ne s’y attendait et moi non plus. C’était un hiver de transition après ma grave blessure.
Maintenant, mon but, c’est de revenir à mon niveau d’avant et de jouer devant en descente le plus régulièrement possible et de retourner sur les podiums. L’année dernière, j’étais en reconstruction après ma grave blessure. Je pense que je peux y retourner. Je sais que cela ne sera pas facile car il y a des très bons skieurs qui engagent très fort !
En Super-G, je vais malheureusement partir de très loin car je n’ai marqué aucun point la saison dernière. J’espérais faire quelques courses au Chili pour améliorer mes points et partir avec un meilleur dossard. Cela n’a pas été possible car il n’y a pas eu de compétitions. Je vais donc devoir faire de bons Super-G pour retrouver un bon dossard et réintégrer le Top 30 le plus rapidement possible.