De passage à Paris pour une tournée médiatique, Alexis Pinturault s’est livré pour TopSkiNews à un exercice inédit basé sur son livre « De l’or au cristal » publié en octobre 2022.
Au fil d’extraits choisis et rappelés ci-après, le skieur de Courchevel a revisité ses réflexions en les alignant au contexte d’aujourd’hui, marqué par sa grave blessure en janvier dernier et son retour à la compétition prévu pour décembre à Beaver Creek aux États-Unis.
Se blesser en pleine saison : un obstacle à surmonter…
« C’est sûr que se blesser en janvier, c’est mieux qu’en mars ! Quand la blessure arrive en mars, c’est très délicat d’être compétitif pour la saison d’après et parfois on ne peut même pas y être présent. Quand on se blesse en janvier, on est dans la configuration où je suis actuellement, c’est-à-dire une saison qu’il est possible de faire, où on peut manquer les premières courses comme ce qui se passe pour moi.
D’un côté, cela peut très bien se dérouler et tout de suite on arrive à se sentir bien et à être compétitif. Il y a l’autre cas de figure où tout demande beaucoup plus de temps parce qu’on a besoin de se sentir à l’aise, de reprendre le rythme, de retrouver l’intensité.
Je pense que mes premières courses vont pouvoir me donner cette réponse, et aussi les trois dernières semaines de préparation que je vais avoir aux Etats-Unis avant le début de saison. »
Retrouver la motivation après une pause forcée, comme un souffle nouveau…
« Dans l’ensemble, je dirais que ma motivation est bonne. Quand on est éloigné du circuit pendant aussi longtemps, cela nous manque de ne pas être au départ avec les copains et d’être loin de la compétition. Pouvoir être là pour rivaliser avec les meilleurs, c’est pour cela qu’on s’entraîne toute l’année !
Au bout d’un moment, tout cela nous manque, et en nous manquant, la motivation revient au fur et à mesure, s’installe de plus en plus et se décuple au fil de la préparation et avant le lancement de la saison.
Cette blessure m’a fait repartir de loin et d’une certaine manière, j’ai dû tout réapprendre. En même temps, elle a fait aussi renaitre un certain regain de renouveau, pour ce qui va venir ensuite. »
Bien préparer ses skis de vitesse
« L’une des problématiques avec une blessure, c’est qu’on skie moins. Et donc on teste moins et on fait moins de glisse. On doit donc se reposer un peu plus sur ses acquis et sur l’expérience passé.
Mon technicien a pu passer suffisamment de temps avec les équipes de Head pour mettre les skis sur la neige, les faire glisser, les mettre en confrontation, pour voir les résultats des tests de glisse et les analyser. Il l’a fait plusieurs fois pour identifier les tendances. J’ai moi-même passé pas mal de temps à Sölden sur les tests de glisse pour avoir mon ressenti et mon feeling et avoir des tests les plus qualitatifs possible.
Il y a aussi tout l’aspect développement du matériel, où il faut faire certains choix et rester un peu plus calme. On se reconcentre d’abord sur la technique, et une fois que tout va de mieux en mieux, on peut essayer de nouvelles tendances que d’autres athlètes peuvent avoir dégrossies. On est alors un peu moins explorateur et on prend un peu moins de risques.
Avant ma blessure la saison dernière, j’étais plutôt content de mon matériel, que ce soit pour la descente, le Super-G et le géant. Ce qui me permet aujourd’hui de me reposer sur certains acquis.
Je suis heureux de pouvoir dire que cette année il est plus facile de le faire qu’il y a quelques années en arrière. »
Des retrouvailles avec Marcel Hirscher à Sölden
« On s’est retrouvé la veille de son retour en Coupe du monde. On a échangé des mots classiques parce que cela faisait quelques années qu’on ne s’était pas vus, et bien sûr on a parlé de nos familles.
Je lui ai demandé comment il se sentait après cinq ans d’absence la veille de sa course du dimanche, et lui m’a questionné sur l’évolution de mon genou.
La discussion a été simple et amicale… tout en rigolant aussi. Comme moi, Marcel repart d’un peu loin. On s’était quittés au plus haut niveau, en pleine bataille l’un contre l’autre. Et voilà qu’on se retrouve dans le même genre de chapitre. C’est un peu comme un comeback !
Je lui ai surtout dit de bien s’amuser et de profiter, ce qu’il a fait à Sölden. Il est bien dans cette optique là pour son début de saison. »
A nouveau, la quête de la victoire
« Côté ambition, il y a les Jeux Olympiques de Milan-Cortina en 2026. Cette saison est un peu particulière : il faut que je refasse une course pour étalonner certaines choses afin de définir les ambitions qui peuvent être mises en adéquation.
Quoi qu’il en soit, j’ai l’envie de performer en février prochain aux Championnats du monde de Saalbach. En géant et en Super-G ce serait déjà bien !
Pour Milan-Cortina, moi qui ai été plusieurs fois champion du monde, plusieurs fois médaillé aux Jeux olympiques, mais jamais champion olympique… Forcément, ça donne envie d’aller chercher cette médaille d’or. »
Et maintenant…
« Ma situation a un peu changé avec ma blessure. Avant celle-ci, je me voyais aller à Milan-Cortina et m’arrêter plus ou moins à ce moment. Aujourd’hui, je suis de retour et je repars sur une nouvelle page blanche. La perspective est moins stricte sur mon arrêt de carrière.
Milan-Cortina sera une grosse étape et il faudra faire un bilan. Qu’est-ce que je veux faire ? Pour combien de temps ? Est-ce que je repars seulement pour une année pour finir ma carrière aux Championnats du monde à Crans-Montana ? Ou est-ce que je repartirais pour une nouvelle olympiade ?
Mais là, c’est un autre choix. C’est extrêmement long, six ans à compter d’aujourd’hui. C’est beaucoup plus fastidieux et beaucoup plus incertain !»