Les retours émouvants d’anciennes stars suscitent autant d’enthousiasme chez les fans que les exploits spectaculaires de talents inconnus capables de battre soudainement les favorites sur les pistes les plus difficiles. Les récentes courses de vitesse féminines de Saint-Moritz, en Suisse, ont toutes les chances de figurer parmi les plus excitantes de ces dernières saisons, grâce aux performances éblouissantes de l’Américaine Lindsey Vonn.
Photo copyright Agence Zoom/Alain Grosclaude
Ce que la skieuse américaine a accompli à 41 ans le week-end dernier sur la Corviglia a été tout simplement exceptionnel. Ses détracteurs ont certainement eu du mal à croire que la star américaine célébrait sa 83e victoire en Coupe du monde, en dominant nettement toutes ces concurrentes lors de la première descente de la saison. Et ce, plus de sept ans après son précédent succès, et après une pause de cinq ans marqués notamment par une nouvelle opération du genou.

La quadruple vainqueure du gros globe et championne olympique de descente en 2010 a confirmé sa forme étincelante les jours suivants. Elle a pris la 2e place de la seconde descente, à seulement quelques dixièmes d’Emma Aicher. L’Allemande a été impressionnante et avait déjà été victorieuse pour la première fois sur le circuit en février dernier à Kvitfjell.
Puis, dimanche, Lindsey a signé une solide 4e place lors du premier super-G de la saison, échouant à seulement 4 centièmes du podium. Elle n’a concédé que 27 centièmes à Alice Robinson. Spécialiste du géant, la néo-zélandaise a signé récemment deux victoires dans sa discipline de prédilection, à Copper Mountain (Colorado) et Mont-Tremblant (Québec). Tout simplement incroyable.
J’ai eu la chance de suivre la carrière de Lindsey depuis ses débuts en Coupe du monde au début des années 2000. Durant toutes ces années, j’ai assisté à la plupart de ses courses les plus marquantes : ses deux titres mondiaux FIS à Val d’Isère en 2009, son triomphe olympique à Vancouver en 2010, ou encore ce moment d’émotion intense en janvier 2015 lorsqu’elle a dépassé le record de 62 victoires d’Annemarie Moser-Pröll, grâce à l’un de ses douze succès à Cortina d’Ampezzo.
Ces années intenses ont aussi été marquées par de terribles accidents, par des blessures parfois longues à soigner et déprimantes, qui l’ont parfois tenue éloignée longtemps des pistes. Le plus marquant reste sa chute dramatique en Super-G à Schladming en 2013, qui l’a privée des Jeux olympiques de Sotchi en 2014. Un épisode qui lui a sans doute coûté des dizaines de victoires potentielles en Coupe du monde.
Pourtant, Lindsey n’a jamais cessé de surprendre et d’impressionner par sa détermination, son amour de la vitesse et, surtout, sa force mentale. Une volonté qui l’a toujours poussée à revenir au sommet. On raconte qu’elle passait souvent plus de huit heures par jour à la salle de sport pour retrouver son meilleur niveau.
Je me souviens encore de ma première interview avec elle à Lake Louise, en Alberta, en décembre 2001, après qu’elle avait signé le meilleur temps d’un entraînement. Je lui avais demandé quelles étaient ses ambitions pour les courses à venir. « Gagner, bien sûr », m’avait-elle répondu avec un large sourire. J’avais été frappé par l’optimisme de cette adolescente. Elle a dû patienter quelques années avant de tenir sa promesse, en décembre 2004, première victoire d’une série de 18 succès à Lake Louise jusqu’en 2015, dont trois triplés.
Ses premiers grands rendez-vous internationaux ont pourtant été difficiles : des Mondiaux 2005 à Bormio–Santa Caterina décevants, puis les Jeux olympiques de 2006 à Sestriere, où elle termine 8e de la descente après avoir passé plusieurs jours à l’hôpital de Turin, à la suite d’une chute effroyable à l’entraînement. Mais comme le disait Nietzsche : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts ». Lindsey est toujours revenue avec une motivation décuplée. Encouragée par deux médailles d’argent mondiales à Åre en 2007, elle décroche son premier gros globe l’hiver suivant, avant de conquérir ses premiers titres mondiaux et olympiques à Val d’Isère 2009 et Vancouver 2010.
Je suis convaincu que Lindsey aurait pu aller encore plus loin sans ces blessures à répétition. Elle aurait peut-être battu le record absolu de 86 victoires d’Ingemar Stenmark, ou remporté un gros globe supplémentaire en 2016 sans cette chute en Andorre. Mais d’autres grandes championnes ont connu une trajectoire similaire, comme Tina Maze ou Mikaela Shiffrin à différents moments de leur carrière.
Le retour de Lindsey Vonn pourrait devenir l’une des plus belles histoires de la Coupe du monde, surtout si elle décide de prolonger sa carrière après les Jeux olympiques. Elle envisageait initialement une retraite définitive en février 2026, après les courses de Cortina d’Ampezzo. Mais après son succès à Saint-Moritz, elle a déjà évoqué la possibilité de viser la suite de la saison et les finales 2026 de Kvitfjell/Hafjell… si elle se retrouve en position de lutter sérieusement pour un 21e globe de cristal en descente ou en Super-G.
Autre élément passionnant de ce retour : la présence à ses côtés d’un héros du ski norvégien, Aksel Lund Svindal. L’ancien multiple champion olympique semble apprécier son rôle de conseiller, notamment sur les choix stratégiques et le matériel. C’est un véritable enrichissement pour le ski alpin de revoir Aksel sur les pistes, avec son immense sourire et son intelligence tactique. À Saint-Moritz, Lindsey a d’ailleurs souligné l’importance du rôle qu’il joue depuis l’été dernier, lorsqu’elle lui a demandé aide et conseils.

Depuis sa décision, à l’été 2024, de revenir à la compétition, Lindsey est soutenue par une équipe d’une douzaine de personnes, coordonnée par le management du Red Bull Athletes Special Project, créé il y a vingt ans par l’ancien entraîneur autrichien de descente Robert Trenkwalder.
« Ils font un travail incroyable pour m’aider à évoluer à mon meilleur niveau », a-t-elle expliqué en conférence de presse avant les courses. « J’ai gagné beaucoup de puissance depuis le printemps dernier et je me sens en excellente forme », a-t-elle ajouté. « Je suis tellement heureuse d’être de retour sur le circuit, avec la possibilité de me battre à nouveau pour des médailles olympiques en février à Cortina d’Ampezzo, ma station préférée du circuit. »
L’émotion qui l’a submergée lors de la cérémonie protocolaire après sa victoire en disait long sur l’importance de ce succès. « Peut-être la plus belle victoire de ma carrière », a-t-elle même confié. « Cela signifie énormément pour nous tous. Cela prouve aussi que tout est possible, même à 41 ans, quand on travaille très dur. »

Espérons la revoir en mars à Kvitfjell en Norvège, là même où elle avait remporté sa toute première victoire en Super-G en mars 2006. Sur le chemin qui fait d’elle l’une des rares athlètes capables d’exceller et de gagner dans toutes les disciplines du ski alpin.
Article rédigé par Patrick Lang












