À deux semaines du coup d’envoi de la Coupe du monde, le quadruple détenteur du gros globe de cristal aborde une saison olympique riche en enjeux avec la sérénité d’un champion accompli. Entre lucidité, ambition et plaisir de skier, Marco Odermatt partage sa préparation, ses objectifs et sa vision de la performance.
Une bonne pause suivie d’une préparation estivale méthodique
Après une saison longue et dense, Marco Odermatt a choisi de lever le pied — sans pour autant se couper du ski. « Comme chaque année, j’ai pris deux ou trois semaines pour souffler un peu, explique-t-il. Je ne suis pas parti en vacances, je suis resté à la maison, sans refaire ma valise. Cet été, voyager moins m’a mieux convenu. »
Dès le mois de mai, Odermatt a repris sa préparation, fidèle à la rigueur qui le caractérise. Le Suisse a poursuivi sa collaboration avec son préparateur physique, entamée il y a deux ans.
« C’est un développement constant avec des ajustements », résume-t-il. « Nous avons changé certaines méthodes, notamment dans la préparation physique, avec de nouvelles vitesses d’exécution dans les exercices et un peu plus de travail isométrique. Je me sens aussi bien que l’an dernier. »
L’avant-saison : entre attente et excitation
À l’approche de Sölden, Odermatt retrouve cette impatience familière. « C’est un mélange. On sait que la saison va redémarrer, mais on ne se sent jamais complètement prêt… Il faut encore quelques bonnes journées d’entraînement avant la reprise. L’attente vient quand on ressent à nouveau l’adrénaline de la course. »
Son programme de reprise est précis : « Il y a toujours trois étapes. En août, à Zermatt, on rechausse les skis, on remet le corps et la technique en place. Ensuite, l’Amérique du Sud avec beaucoup de volume, de tests, du travail sur la technique et le matériel. Enfin, la Suisse, à Diavolezza, pour les derniers réglages avant Sölden. Là, il s’agit de refaire de la course et d’être prêt dans la tête pour vraiment attaquer. »
Sölden, Kitzbühel, Bormio : les rendez-vous d’une saison chargée
Comme chaque automne, la saison s’ouvrira à Sölden. L’an dernier, la course s’était mal passée pour le champion suisse, mais il refuse d’y voir un mauvais souvenir.
« J’ai déjà gagné deux fois à Sölden. L’an dernier, j’étais en super forme, mais quelque chose n’a pas marché. Ce n’est pas grave : j’ai toujours un bon sentiment en pensant à cette course. »
« Oui, c’est toujours un de mes grands objectifs : gagner la descente de Kitzbühel »
Un peu plus loin sur le calendrier, un autre sommet attire son regard : Kitzbühel. « Oui, c’est toujours un de mes grands objectifs : gagner la descente de Kitzbühel », précise-t-il. « J’ai déjà gagné là-bas, mais pas encore la descente. Intérieurement, c’est déjà comme un demi-check marqué. »

Evidemment, les Jeux Olympiques sont aussi un grand objectif avec Bormio à l’horizon, lieu des épreuves masculines des prochains Jeux olympiques d’hiver de Milan-Cortina. Odermatt reste prudent : « C’est encore loin », reconnaît-il, tout en livrant quelques commentaires : « On sait que les conditions seront différentes à Bormio, avec plus de lumière. Je pense que cela pourra être encore plus difficile que ces dernières années, mais cela dépendra de la préparation de la piste. On a une équipe forte. Mais d’abord, il faudra se qualifier dans les différentes disciplines.»
Les Jeux olympiques de retour au cœur des Alpes
Quand on évoque les Jeux Olympiques avec Odermatt, c’est son souvenir ému et ses émotions positives qui reviennent en premier avec son titre de champion olympique en géant pour sa première participation à une olympiade.
Quand il regarde vers l’hiver, il ne pense pas encore vraiment aux Jeux et abordera cette perspective en étant bien conscient que la première étape est celle de la qualification. « Il n’y a jamais de garantie de place. Évidemment, je ne commence pas la saison avec pour seul objectif de me qualifier, mais c’est une étape nécessaire. Il faut de bons résultats dans les premières courses. »
Le retour des Jeux dans les Alpes donne aussi à l’événement une autre dimension. « Ce sera différent », commente-t-il. « Ça ressemblera davantage à un championnat du monde, avec en plus la famille et les amis. Pékin, c’était spécial, mais aussi un peu lointain. Là, on vivra ça d’une manière plus naturelle, plus proche. »
La sécurité en question
Interrogé sur la sécurité des athlètes suite au décès tragique du skieur Italien Matteo Franzoso, Odermatt a souligné que « La sécurité est un sujet majeur dans tout sport. Dès qu’on chausse des skis, il y a un risque, comme pour chaque touriste sur une piste ».
Avant d’ajouter que les conditions d’entraînement ne sont jamais au même niveau que celles des compétitions, pour des raisons d’organisation et de personnel.
« Cela m’a vraiment touché », a souligné Odermatt. « Mais quand quelque chose de grave arrive, ça ramène brutalement à la réalité, et ça relance forcément les réflexions et les discussions ».
Par ailleurs, la FIS a annoncé récemment de nouvelles mesures pour améliorer la sécurité des athlètes et notamment l’interdiction de porter des protège-tibias rigides, en carbone ou autres matériaux similaires placés dans ou autour des chaussures de ski.
Selon les experts, ces dispositifs modifient le comportement mécanique des chaussures et peuvent nuire à la sécurité. Seuls les rembourrages souples, entièrement intégrés dans la chaussure, seront autorisés. Ils ne devront ni altérer la forme anatomique du pied, ni affecter les performances de la chaussure.
Depuis plusieurs années, Odermatt utilise des protections pour atténuer une inflammation tibiale. « Cela n’avait rien à voir avec du carbone ou avec ce qu’on a pu lire et entendre. On a trouvé une bonne solution pour l’intégrer dans la chaussure de manière conforme au règlement. Donc cela ne sera plus vraiment un sujet », a précisé le champion Suisse.
A la plénitude de son art
Avec plus de dix ans sur le circuit, Odermatt se sait dans la plénitude de son art. « En tant que skieur polyvalent, je crois que j’ai atteint mon zénith ». Il l’a particulièrement ressenti la saison passée où en descente, il s’est encore amélioré dans de nombreux passages, dans la glisse, dans les grandes courbes. « Mais en parallèle, j’ai dû un peu sacrifier des choses en géant »
Car effectivement le compromis a trouvé par le skieur polyvalent est permanent : progresser dans une discipline, c’est souvent lâcher un peu ailleurs. « Globalement, je ne peux plus progresser énormément », confie-t-il. L’avenir du champion suisse sera probablement un peu plus orienté vers la vitesse. Il estime d’ailleurs qu’en descente et en Super-G, il a encore du potentiel, et donc de belles courses à venir.
Un cinquième gros globe d’affilée ?
Cette lucidité ne l’empêche pas de viser haut. Son quatrième gros globe de cristal, conquis la saison dernière, reste une fierté. Aussi cette saison, la quête du classement général restera un fil rouge, même si l’année olympique modifie les priorités. « Sur toute une saison, oui, c’est un objectif. Mais je sais aussi que la concurrence s’est resserrée. Chaque point perdu, c’est souvent le concurrent direct qui le prend. »
Un éventuel record de cinq victoires consécutives au classement général lui parait toutefois bien loin encore. « Je préfère continuer deux ou trois années de plus avec un programme réduit, garder l’énergie et l’envie, pour peut-être me battre encore une fois pour un gros globe ».
Le calendrier, lui, le satisfait pleinement avec neuf descentes au lieu de sept prévues initialement. « C’est un programme solide et logique. En tant que skieur polyvalent, cela me va très bien. »

En route vers Sölden
Lucide et apaisé, Marco Odermatt semble aborder cette saison olympique avec une maturité rare. Il sait qu’il a peu à prouver, mais encore beaucoup à vivre. Avec, à court terme, le regard tourné vers le glacier du Rettenbach. « Le vrai mode course, c’est le lieu qui l’apporte. Quand tu arrives à Sölden, et quand tu montes sur le glacier le dimanche ça suffit pour enclencher ce mode. Et l’ambiance seule y fait à 80–90% ».
